Par un arrêt en date du 4 juin 2024, la Cour de Cassation a jugé que l’action en résiliation d’un contrat d’édition pour manquement aux obligations d’exploitation permanente et suivie et de reddition des comptes, soumise au délai de prescription de cinq ans de l’article 2224 du code civil, pouvait n’être pas prescrite si les manquements en cause, bien que constatés plus cinq ans avant l’assignation, avaient été réitérés dans les cinq années ayant précédé celle-ci (Cour de cassation, civ. 1ère, 4 juin 2024, n°22-24.462).
A l’occasion d’un litige banal, la Haute juridiction adopte une solution à notre connaissance inédite s’agissant de la prescription de l’action en résiliation d’un contrat d’auteur pour manquement contractuel.
L’auteur compositeur d’une œuvre musicale avait cédé ses droits sur cette œuvre, en vertu d’un contrat d’édition musicale, au producteur d’un film qui lui avait commandé cette œuvre pour constituer la bande originale dudit film.
Au-delà de l’exploitation de ce film lui-même, l’œuvre musicale n’avait été exploitée que deux fois, espacées dans le temps, sous forme d’extraits au sein de films publicitaires (synchronisations). Elle n’avait notamment fait l’objet d’aucune exploitation sous forme d’enregistrements phonographiques, ni sur supports matériels, ni sous forme dématérialisée. Et l’auteur n’avait reçu aucune reddition de comptes, sauf pour la première exploitation publicitaire. Il a alors décidé d’agir notamment en résiliation du contrat d’édition musicale, en invoquant le défaut d’exploitation permanente et suivie de son œuvre et l’absence de reddition des comptes.
La cour d’appel de Paris a jugé cette action prescrite sur le fondement de l’article 2224 du code civil, selon lequel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». En effet, selon les juges du fond, il résultait de l’assignation elle-même que l’auteur avait connaissance de ces inexécutions contractuelles plus cinq ans avant l’assignation.
Cependant, l’arrêt rapporté censure cette décision pour défaut de base légale, la Haute juridiction considérant que la cour d’appel aurait dû rechercher si les manquements imputés à la société de production audiovisuelle ne s’étaient pas poursuivis pendant la période « non prescrite », c’est-à-dire au cours des cinq ans ayant précédé l’assignation. C’est dire que, dans le contexte du litige au moins, la prescription de l’action en résiliation d’un contrat d’auteur peut être partielle.
Cette solution est rendue au visa de l’article 2224 du code civil mais aussi des articles L. 132-12 et L. 132-13 du code de la propriété intellectuelle, qui édictent les obligations d’exploitation permanente et suivie et de redditions de comptes de l’éditeur. Elle paraît donc justifiée par la nature de ces obligations, qui s’exécutent dans le temps, et ne peut sans doute être étendue ni à tout contrat d’auteur, ni même à toutes les obligations de l’éditeur.