BOÎTE À MUSIQUE & DROIT MORAL DE L’AUTEUR MIS EN BOÎTE

L’autorisation de la SACEM et de l’éditeur musical n’est pas toujours suffisante lorsque la reproduction d’une œuvre est également susceptible de porter atteinte au moral de l’auteur mis en boîte. Tout dépend des modifications qui en résultent !

« Ayant constaté que la mélodie produite par les boîtes à musiques litigieuses était un arrangement musical dénué de paroles constituant une simplification extrême de la mélodie originelle, qu’elle variait nettement en fonction de la vitesse et pouvait ainsi être inaudible, pour en déduire que cette simplification excessive, qui ne permettait pas de retrouver la richesse et la texture de la musique originelle, transformait l’œuvre et la banalisait et n’était pas une simple reproduction fragmentée des œuvres pour lesquelles les autorisations de la SACEM et de la société Editions Raoul Breton étaient suffisantes, la cour d’appel en a justement déduit que cet arrangement musical particulier portait atteinte au droit moral de l’auteur et requérait son autorisation ou celle de son ayant droit ».

C’est par cet attendu explicite que la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 3 décembre 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2) qui avait considéré que la fabrication et la commercialisation de boîtes à musique à manivelle incorporant les œuvres musicales « Je Chante », « Y a d’la Joie », « Douce France » et « La Mer », sont constitutives d’une atteinte au droit moral de l’auteur, l’atteinte résultant en l’espèce de la simplification excessive de l’œuvre qui la transformait et la banalisait.

En d’autres termes, la reproduction d’une œuvre, outre qu’elle est susceptible de violer les droits patrimoniaux de l’auteur si elle est réalisée sans l’autorisation du titulaire des droits sur l’œuvre encore protégée, est également susceptible de porter atteinte au droit moral de l’auteur selon les modifications qui en résultent. Rien de nouveau, sinon l’occasion de rappeler que les prérogatives morales et patrimoniales ne sont pas toujours indépendantes l’une de l’autre.

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MUSIQUE & ŒUVRE AUDIOVISUELLE

L’auteur des compositions musicales, même lorsqu’elles sont spécialement réalisées pour l’œuvre audiovisuelle, n’est pas toujours co-auteur de l’œuvre audiovisuelle

(Cour de cassation, 1e civ., 29 mars 2023, n° 22-13.809) 1e civ., 29 mars 2023, n° 22-13.809)

Par un arrêt du 29 mars 2023, la Cour de cassation vient rappeler que la liste des auteurs d’une œuvre audiovisuelle mentionnés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle ne repose que sur une présomption simple, laquelle peut donc être remise en cause. L’auteur de la musique d’un film publicitaire vient d’en faire récemment les frais.

L’œuvre audiovisuelle est une œuvre de collaboration réalisée par plusieurs auteurs. Parmi ces derniers, selon l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle, est présumé, sauf preuve contraire, coauteur d’une œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration, l’auteur « des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l’œuvre ».

L’œuvre de collaboration se caractérise par une participation concertée et une communauté d’inspiration. L’auteur de la composition musicale d’un film ne peut donc bénéficier de la qualité d’auteur de l’œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration que sous réserve d’avoir participé de manière concertée et sous une inspiration commune à la conception de l’œuvre audiovisuelle.

En l’espèce, la Cour de cassation considère que la Cour d’appel de Paris a pu, à bon droit, écarter la présomption simple posée à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle et partant refuser à l’auteur de la composition musicale la qualité de coauteur de l’œuvre audiovisuelle dès lors que « Après avoir rappelé que l’objet de la commande de la société Dmax à la société Pause B films était la réalisation d’un film publicitaire sans musique, elle a retenu que M. [E] ne démontrait ni même n’alléguait avoir pris part à la conception de cette œuvre non sonorisée, qu’il justifiait d’un travail indépendant effectué sur la base de la version définitive du film préalablement réalisé et que la bande son qu’il avait créée avait été incorporée à l’œuvre préexistante, objet de la commande, sans la collaboration de son auteur, M. [Y] ».

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Condamnation d’OVH – incendie, risque de propagation après la décision du Tribunal de commerce de Lille du 26 janvier 2023 ?

Pour lire la décision dans son intégralité, c’est ici !

 

Par décision du 26 janvier 2023, le tribunal de commerce de Lille Métropole a condamné la société OVH qui assure notamment des prestations d’hébergement de sites internet à indemniser l’un de ses clients, la société France Bati Courtage, du préjudice subi consécutivement à l’incendie qui s’est déclaré dans la nuit du 9 au 10 mars 2021 dans ses datacenters situés à Strasbourg et ayant entrainé la perte des données de sauvegarde qu’elle s’était contractuellement engagée à préserver.

La société OVH a ainsi été condamnée à verser à son (ancien ?) client la somme de 100 000 euros environ tous préjudices confondus, article 700 du Code de procédure civile compris.

La décision est intéressante à plus d’un titre.

La décision est intéressante car elle retient la responsabilité contractuelle d’OVH « du fait de son manquement contractuel à la réalisation des sauvegardes de son serveur ». Si la responsabilité d’OVH est en l’espèce retenue, c’est parce que le contrat portait non pas seulement sur des services d’hébergement, mais aussi et surtout sur la sauvegarde automatique des données, présentée par OVH comme « une opération qui consiste à dupliquer et à mettre en sécurité les données contenues dans un système informatique ». Or, en l’espèce, ces données de sauvegarde avaient été détruites et perdues à cause de l’incendie « car ces dernières étaient stockées au même endroit que le serveur principal » et que l’analyse de la documentation contractuelle et commerciale d’OVH, selon le Tribunal, ne laissait guère de doute sur le fait que les sauvegardes de données devaient se faire dans un espace de stockage physiquement isolé du serveur principal. Le Tribunal retient ainsi « qu’en stockant les 3 réplications de sauvegardes au même endroit que le serveur principal, OVH n’a pas respecté ses obligations contractuelles ».

Si la responsabilité d’OVH est ainsi retenue, la faute lourde a néanmoins été écartée. Pour ce faire, le Tribunal ne se place par sur le choix d’OVH de regrouper sur un même site le serveur principal et ceux destinés à conserver les données de sauvegarde, mais sur les choix techniques de ses installations. Le Tribunal observe à cet égard qu’il n’est pas démontré que ces choix ont « un lien de causalité avec l’incendie » ou qu’ils enfreignent « la loi ou règlementation », mais que bien au contraire les pièces versées au débat par OVH « montrent que cette dernière a pris les mesures de précaution d’usage contre l’incendie ». La conclusion est étonnante car le Tribunal observe dans le même temps que « à ce jour, l’enquête est toujours en cours et les causes exactes de l’incendie ne sont pas connues ».

La décision est également intéressante s’agissant de la validité des clauses limitatives de responsabilité insérée, en particulier, dans un contrat d’adhésion. Car dans un tel contrat, « toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite » (art. 1171 code civil). Or en l’espèce, la clause pré-rédigée par OVH conduisait in fine à limiter sa responsabilité à la somme de 1800, 48 euros. Le Tribunal écarte ainsi la clause limitative de responsabilité au motif que celle-ci crée « une véritable asymétrie entre les obligations de chacun (….), cette clause transférant le risque sur l’autre partie de manière injustifiée et sans contrepartie pour cette dernière ».

La décision est intéressante aussi s’agissant de la force majeure. En l’occurrence, le contrat OVH étendait les cas de force majeure à des très nombreuses hypothèses, y compris « les incendies (…) les inondations et explosions, ainsi que les coupures d’électricité en dehors du contrôle de la Partie affectée ». Le Tribunal vient rappeler qu’avec « une telle clause, en cas de sinistre, la SAS OVH n’est donc jamais tenue de réaliser sa mission au moment où, pourtant, celle-ci est nécessaire. Les copies de sauvegarde n’ont pas d’intérêt en l’absence de sinistre (…). Les copies de sauvegarde ne sont utiles qu’en cas de sinistre ». En conséquence, le Tribunal de commerce déclare la clause non écrite en ce qu’elle vide le contrat de sa principale obligation et libère OVH «  de ses engagements dans les circonstances où justement ils sont nécessaires ».

La décision est intéressante enfin car elle intervient après deux autres décisions qui avaient écarté la responsabilité d’OVH (Tribunal de commerce de Lille, 21 juin 2022 et Tribunal de commerce de Villefranche, référé, 30 juin 2022). Le Tribunal prend soin de préciser à cet égard que ces affaires sont différentes sur un point essentiel : le contrat souscrit auprès d’OVH portait sur un contrat d’hébergement simple et non sur l’option de sauvegarde automatique proposée par OVH, alors que tel était précisément le cas dans l’affaire ici commentée.

Par la présente décision, le Tribunal de commerce ouvre grand la voie à des actions initiées par les clients d’OVH qui auraient souscrit à la fois un contrat d’hébergement, mais aussi, en complément, l’option de sauvegarde automatisée permettant la préservation et la récupération des données du serveur dédié et dont les données de sauvegarde auraient été détruites lors de l’incendie du mois de mars 2021.

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NFT & MÉTAVERS

NFT & MÉTAVERS : Trois articles à lire pour mieux appréhender les évolutions qui se dessinent à partir de ces deux notions à la mode.

NFT et métavers sont deux notions à la mode, pour lesquelles aucune réglementation spécifique n’existe encore à ce jour. Pour autant, les NFT (ou non fongible token) et les créations numériques associées, créées ou non dans les univers numériques parallèles (ou métavers), n’échappent pas aux règles générales et particulières existantes, notamment celle du droit de la propriété intellectuelle.

VARET PRÈS KILLY a décrypté ces deux notions à la mode dans plusieurs articles :

  • Le premier article analyse le phénomène des NFT Art : « 3 questions à Xavier Près et Vincent Varet sur les “NTF Art” »: à lire ici.
  • Le deuxième article aborde sous l’angle du droit des marques et du droit d’auteur français l’affaire « MetaBirkin » opposant l’artiste Mason Rothschild à Hermès : « NFT ART, de la création… à la contrefaçon », par Vincent Varet et Xavier Près. 1e partie à lire ici ; 2e partie à lire là
  • Le troisième article traite plus spécifiquement des métavers après les premières annonces des géants de l’internet : « Métavers : la réalité virtuelle et le droit d’auteur en ordre de bataille », par Xavier Près : à lire ici.
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DONNÉES PERSONNELLES & GOOGLE ANALYTICS

DONNÉES PERSONNELLES & GOOGLE ANALYTICS : L’usage de Google Analytics par les gestionnaires de sites web français est remis en cause par la CNIL en raison des transferts hors Union européenne réalisés.  (CNIL, Communiqué « Utilisation de Google Analytics et transferts de données vers les États-Unis : la CNIL met en demeure un gestionnaire de site web », 10 février 2022).

Service du géant américain Google, Google Analytics est une fonctionnalité d’analyse d’audience incontournable pour les gestionnaires de site internet. Cet outil permet, en effet, de mesurer la fréquentation d’un site en attribuant un identifiant unique à chaque visiteur et en l’associant à des données. Ces dernières sont ensuite analysées et transférées vers les États-Unis. Aujourd’hui, en raison de ces transferts, l’usage de cet outil est remis en cause au niveau européen pour défaut de conformité au RGPD.

Dans son communiqué, la CNIL rappelle tout d’abord que les transferts de données entre les États-Unis et l’Union européenne doivent faire l’objet d’un encadrement spécifique depuis l’invalidation du Privacy Shield par la Cour de Justice de l’Union européenne par l’arrêt « Schrems II » du 16 juillet 2020. Dans sa mise en demeure anonymisée, la CNIL insiste donc sur les garanties appropriées à fournir concernant l’obligation d’encadrer les transferts de données personnelles hors de l’Union Européenne, avec les clauses types mais aussi les garanties supplémentaires. Dans le cas de Google, le prestataire américain doit garantir la sécurité des transferts et notamment exclure l’accès des services de renseignements américains à ces données personnelles. Or, la CNIL considère que ces garanties ne sont pas assurées dans le cadre de Google Analytics.

En effet, la mise en demeure ne relève aucune mesure aboutissant concrètement à empêcher ou réduire l’accès des services de renseignements américain. L’argument de Google relatif à la mise en place d’une pseudonymisation des données est refusé en ce que le processus permet tout de même l’individualisation des utilisateurs. De même, la CNIL réfute aussi l’argument de l’anonymisation en ce que cette mesure est proposée en option par Google et non applicable à tous les transferts. De plus, Google ne précise jamais si cette mesure se déroule avant son transfert aux États-Unis. Ainsi, en raison de ces transferts, les traitements réalisés par Google Analytics comportent un risque pour les utilisateurs et ne peuvent donc pas être considérés comme conformes au RGPD.

La CNIL a donc mis en demeure le gestionnaire de site utilisant Google Analytics de mettre en conformité ces traitements dans un délai d’un mois. Parmi les solutions proposées par la CNIL dans son communiquer pour remédier à ce défaut de conformité, nous pouvons retenir notamment l’arrêt simple de l’usage de Google Analytics dans les conditions actuelles par le gestionnaire, l’utilisation d’un autre outil n’entraînant pas de transferts hors U.E ainsi que l’usage de données statistiques anonymes pour les finalités de statistiques.

Cette décision s’inscrit dans une mouvance générale européenne visant la remise en cause de certains prestataires américains et particulièrement Google. Ainsi, dès le 22 décembre 2021, la CNIL autrichienne s’est positionnée aussi dans ce sens sur Google Analytics, considérant que le cryptage des données par Google n’était une garantie suffisante puisqu’il en détient la clé de déchiffrement. De même, le 5 janvier 2022, le Contrôleur Européen de la protection des données a sanctionné le Parlement pour son usage de Google Analytics sans garanties additionnelles. La question de la licéité de l’usage des outils des prestataires américains et particulièrement des GAFA devrait donc être une actualité de premier plan pour l’année à venir.

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DONNÉES PERSONNELLES & COURRIERS PROFESSIONNELS

DONNÉES PERSONNELLES & COURRIERS PROFESSIONNELS : La CNIL est venue préciser les critères qui permettent à un employeur de concilier le droit d’accès d’un salarié à des courriers professionnels et le respect des droits des tiers (CNIL, Communiqué « Le droit d’accès des salariés à leurs données et aux courriers professionnels », 5 janvier 2022).

Pour mémoire, toute personne dispose, en vertu de l’article 15 du RGPD, d’un droit d’accès à ses données personnelles qui lui permet de demander à un organisme la communication des données qu’il détient sur elle et d’en obtenir une copie. Cette communication est toutefois soumise à plusieurs conditions et ne doit pas, en particulier, porter une atteinte disproportionnée aux droits d’autrui (notamment au secret des affaires, aux droits de propriété intellectuelle et au droit à la vie privée).

Les critères d’appréciation d’une telle atteinte, dans le cas de la réponse par un employeur à la demande d’un salarié d’accéder à des courriels professionnels, c’est-à-dire à leurs métadonnées et à leur contenu, ont récemment été définis par la CNIL. Celle-ci opère une distinction selon que le demandeur est (i) l’expéditeur ou le destinataire de ces courriels ou (ii) seulement mentionné dans leur contenu.

Lorsque le salarié est l’expéditeur ou le destinataire des courriels professionnels demandés et qu’il a eu ou est supposé avoir eu connaissance des informations qui y sont contenues, leur communication est présumée respectueuse des droits des tiers et l’employeur ne peut pas, en principe, s’y opposer. Par exception, si la communication présente un risque réel pour les droits des tiers et que l’anonymisation des données concernées ne permet pas d’écarter ce risque, l’employeur peut refuser la demande d’accès, à condition toutefois d’en justifier.

Il en va différemment si le salarié demande la communication de courriels professionnels dans lesquels il est seulement mentionné. La CNIL préconise de s’assurer que les moyens à mettre en œuvre pour identifier les courriels demandés n’entraînent pas d’atteinte disproportionnée aux droits des tiers et si tel est le cas, le demandeur doit être invité à préciser sa demande. En cas de refus de ce dernier, l’employeur peut s’opposer à la demande d’accès, sous réserve d’en justifier. En revanche, si les indications fournies par le salarié permettent d’identifier les courriels demandés, l’employeur ne doit communiquer, après anonymisation, que ceux qui ne portent pas atteinte aux droits d’autrui. Dans ces conditions, la réponse à une demande d’accès d’un salarié à des courriels professionnels suppose une analyse au cas par cas de la nature des informations contenues dans lesdits courriels.

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SPORT & LUTTE CONTRE LE PIRATAGE

SPORT & LUTTE CONTRE LE PIRATAGE : Sur le fondement du nouvel article L.333-10 du code du sport, la société beIN Sports France a obtenu le blocage de 18 sites de streaming retransmettant en direct des compétitions sportives (Tribunal judiciaire, Paris, ord. réf., 20 janvier 2022, n°22/50416, Sté beIN Sports France c/SA Orange et a.)

Cette décision marque la première application de l’article L.333-10 du code du sport, introduit par la loi n°2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Il résulte de ce nouvel article la possibilité pour le titulaire de droits d’exploitation audiovisuelle d’une compétition ou d’une manifestation sportive de saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond ou en référé afin d’obtenir toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou à faire cesser une atteinte grave et réitérée à ses droits par une plateforme en ligne.

En l’espèce, et après avoir constaté l’existence d’atteintes graves et répétées aux droits exclusifs détenus par beIN notamment sur les droits d’exploitation audiovisuelle de la Coupe d’Afrique des Nations, lesquelles ont été commises par 18 sites dont l’objectif principal est la diffusion sans autorisation de compétitions sportives, le Tribunal judiciaire de Paris a enjoint aux fournisseurs d’accès à internet de mettre en œuvre, au plus tard dans un délai de trois jours suivant la signification de la décision, toutes mesures propres à empêcher, et ce jusqu’à la fin du dernier match de la Coupe d’Afrique des Nations 2021, l’accès auxdits sites.

Les fournisseurs d’accès à internet assignés par beIN ne s’opposaient pas à la mesure de blocage sollicitée par l’entreprise de communication audiovisuelle mais demandaient, entre autres, à ce (i) qu’un délai minimum de trois jours leur soit accordé pour la mise en œuvre d’une telle mesure et (ii) que les coûts de ladite mesure ne soit pas laissés entièrement à leur charge. Sur ces deux points, le tribunal a répondu favorablement à leurs demandes. Selon ce dernier, il résulte du paragraphe IV de l’article L.333-10 précité – lequel prévoit la conclusion prochaine d’un accord entre les titulaires de droits et les fournisseurs d’accès à internet, placé sous l’égide de l’ARCOM, précisant notamment la répartition du coût des mesures ordonnées – que le législateur a entendu partager pareils coûts entre les acteurs en présence. Concernant la répartition précise de ces coûts, le tribunal s’est contenté de renvoyer à la conclusion de l’accord tel que prévu par le législateur, avec l’ARCOM pour arbitre.

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AUDIOVISUEL & RÉFORME RÈGLEMENTAIRE

AUDIOVISUEL & RÉFORME RÉGLEMENTAIRE : Le paysage juridique de l’audiovisuel est en plein bouleversement avec la mise en place d’une nouvelle chronologie des médias et les nouveaux décrets TNT et CabSat. (Arrêté ministériel portant extension de l’accord pour le réaménagement de la chronologie des médias du 24 janvier 2022, 4 février 2022, Décret n° 2021-1924 du 30 décembre 2021 dit Décret Cab-Sat et Décret n° 2021-1926 du 30 décembre 2021 dit Décret TNT)

Après moult rebondissements, la nouvelle chronologie des médias a été officiellement étendue à tout le secteur du cinéma et audiovisuel par un arrêté ministériel en date du 4 février 2022. Ce nouvel aménagement de l’exploitation des œuvres cinématographiques, voté le 24 janvier 2022 par une partie de l’industrie, conduit à une modification du paysage audiovisuel français.

Tout d’abord, la nouvelle chronologie entérine une avancée de certaines fenêtres d’exploitation des œuvres notamment pour les Pay TV (notamment Canal + et OCS), pour l’AVOD (Molotov par exemple) mais surtout pour les services de SVOD tels que Netflix, Disney + et Amazon Prime. En effet, ces services pourront maintenant exploiter les œuvres cinématographiques dès 15 mois après leur sortie salle et pour une exclusivité de 7 mois (17 mois après sortie salles pour une exclusivité de 5 mois en l’absence d’accord interprofessionnels) au lieu de 36 mois après leur sortie salle.

L’accord prévoit, de plus, la possibilité de contractualiser les ouvertures, fermetures et exclusivités des fenêtres notamment entre les éditeurs de télévision payante de 1re et 2e fenêtres, ainsi qu’entre les services de SVOD et les éditeurs de télévision gratuite. Dans ce dernier cas, il est précisé que l’exclusivité de la SVOD se ferme à 22 mois après sa sortie salle dès lors que le film a été préfinancé ou acquis par une chaîne de télévision autre que de cinéma. En l’absence de ce financement, l’exploitation par le SMAD pourra perdurer dans trois cas : une production US ou extra-européen du service SVOD avec un budget inférieur ou égal à 25 M€, une production avec un budget inférieur à 5 M€ ou en présence d’accord entre la chaîne gratuite et le service de SVOD. Ainsi, la question de l’exclusivité des fenêtres devrait être un nouveau cheval de bataille pour les acteurs de l’industrie.

Si l’intégration des SMAD dans l’industrie culturelle française est évidente après la lecture de cet accord, elle s’inscrit aussi en contrepartie de leur nouvel assujettissement aux obligations de financement à la production française. L’adoption de cette nouvelle chronologie finalise donc la transposition en droit français de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels dans la continuité des décrets TNT et Cab Sat du 30 décembre 2021, entrés en vigueur le 1er janvier 2022.

Ces décrets ont pour vocation d’adapter le cadre des relations entre producteurs et éditeurs dans ce nouvel environnement avec un nouvelle définition des montants de la contribution au développement de la production, et des nouveaux quotas de production. Parmi les mesures phares, communes aux deux décrets, il est à noter la possible mutualisation de contribution pour plusieurs services, la simplification du cadre réglementaire avec un renvoi aux conventions entre éditeurs et l’ARCOM, et aux accords interprofessionnels ainsi qu’un élargissement de la liste des dépenses éligibles à la contribution au développement de la production qu’elle soit audiovisuelle ou cinématographique. Également à noter les nouveaux dispositifs dits « Chazal » insérés dans ces décrets, destinés à favoriser la création de format audiovisuels « made in France ».

Sur les formats audiovisuels, pour aller plus loin : « Premier mode d’emploi juridique des formats audiovisuels », Légipresse, 399, janvier 2022, Xavier Près.

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CONTREFAÇON & DESTRUCTION D’UNE OEUVRE D’ART

CONTREFAÇON & DESTRUCTION D’UNE ŒUVRE D’ART : destruction de deux dessins de Modigliani jugés contrefaisants et apposition d’une mention « reproduction » sur un tableau faussement attribué à Chagall de préférence à sa destruction (Cour de cassation, 1e civ., 24 novembre 2021, n° 19-19.942 ; Cour de cassation, crim., 3 novembre 2021, n° 01279, Q 21-81.356 et Cour de cassation, crim, 11 août 2021, n° 21-81.356).

La destruction est l’une des mesures qui peut être ordonnée par le juge, civil ou pénal, afin de faire sanctionner des agissements contrefaisants. La sanction est radicale, spécialement lorsqu’elle porte sur une œuvre d’art jugée contrefaisante.

Or c’est précisément cette destruction qui a fait l’objet de débats dans deux affaires récentes concernant des œuvres contrefaisantes, faussement attribuées à deux artistes célèbres : Modigliani pour la première affaire et Chagall pour la seconde. La Cour de cassation s’est d’abord prononcée par arrêt de sa chambre criminelle du 3 novembre 2021 sur deux dessins contrefaisants de Modigliani (Cour de cassation, crim., 3 novembre 2021, n° 01279, Q 21-81.356). Quelques jours après, c’est la chambre civile de la Cour de cassation qui a statué par arrêt du 24 novembre 2021 sur un tableau faussement attribué à Chagall (Cour de cassation, 1e civ., 24 novembre 2021, n° 19-19.942). Rendues à quelques jours d’intervalle par deux formations distinctes, ces deux décisions de la Cour de cassation sont d’autant plus intéressantes que les solutions dégagées en appel étaient dans ces deux affaires radicalement opposées : les dessins de Modigliani comme le tableau de Chagall ont tous été jugés contrefaisants, mais tandis que la destruction des dessins de Modigliani a été ordonnée, cette destruction a été refusée aux représentants de Chagall, la Cour d’appel lui ayant préféré l’apposition d’une mention « reproduction » au dos du tableau. Pour autant, aucun de ces arrêts n’a été censuré par la Cour de cassation.

Malgré des solutions opposées dans leurs effets, les chambres civile et criminelle de la Cour de cassation semblent toutefois converger vers une position commune pouvant être résumée en substance sous les quatre énoncés suivants : (i) la mesure ordonnant la destruction d’une œuvre jugée contrefaisante ne porte pas en soi atteinte au droit de propriété corporelle existant sur le support d’une œuvre, (ii) une telle mesure est conforme aux libertés et droits fondamentaux posés par la Convention européenne des droits de l’homme, (iii) dès lors toutefois qu’elle est appliquée de manière proportionnée par les juges du fond, (iv) lesquels disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation quant au choix de la sanction adéquate. La mesure de destruction d’une œuvre contrefaisante telle que prévue par le droit français a donc été confrontée à l’occasion de ces deux affaires au droit de propriété tel que prévu par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et y a résisté dès lors qu’elle est appliquée de manière proportionnée.

Conforme à la Convention européenne des droits de l’homme, la mesure de destruction est également conforme au droit de propriété portant sur l’objet corporel tel que reconnu par la Constitution française. A l’occasion de l’affaire Modigliani, la Cour de cassation a en effet été saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité, ainsi libellée : « Les dispositions des alinéas 2 et 3 de l’article L. 335-6 du code de la propriété intellectuelle violent-elles le droit constitutionnel de propriété, en portant à ce droit une atteinte disproportionnée au but de punir la contrefaçon, en ce qu’elles permettent la confiscation et la destruction des objets contrefaisants ». Par arrêt du11 août 2021, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que « la question n’est pas nouvelle » et « ne présente pas un caractère sérieux ». Par voie de conséquence, la QPC n’a pas été renvoyée au Conseil constitutionnel (Cour de cassation, crim, 11 août 2021, n° 21-81.356). La Cour de cassation a en effet considéré que le prononcé de mesures de confiscation et de destruction « ne constitue qu’une faculté pour le juge qui en apprécie la nécessité au regard de la gravité concrète des faits reprochés, de la situation personnelle du prévenu et de l’ensemble des peines et mesures prévues par la loi ». Et d’ajouter que « ces peines sont justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi qui est de garantir, pour l’avenir, que ces objets seront définitivement écartés de tout circuit commercial qui serait de nature à compromettre de nouveau les droits de propriété intellectuelle méconnus par l’auteur du délit durant le temps de la prévention ».

Pour une analyse détaillée, lire l’article « Détruire ou ne pas détruire une œuvre contrefaisante : telle est la question », Légipresse, février 2022, par Xavier Près.

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VOL & PROPRIÉTÉ D’UN TABLEAU

VOL & PROPRIÉTE D’UN TABLEAU : L’exercice du droit de revendication sur un bien meuble contre un tiers acquéreur de bonne foi est enfermé dans un délai préfix de trois ans à compter de la perte ou du vol (Cour de cassation, crim. 26 janvier 2022, n° 20-86.776).

L’arrêt de la chambre criminelle du 26 janvier 2022 vient rappeler les effets de l’article 2276 du code civil. Son premier alinéa dispose que : « En fait de meubles, la possession vaut titre ». Et l’alinéa 2 précise que : « Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient ». En cas de vol, le délai pour revendiquer la chose perdue ou volée est donc de trois ans à compter du jour de la perte ou du vol et ce, à peine de forclusion. Ce délai de trois ans n’est toutefois opposable que par le possesseur de bonne foi, étant précisé que la bonne foi s’apprécie au moment où le possesseur a pris possession du meuble, peu importe qu’il apprenne ultérieurement l’absence de propriété de son auteur (Civ. 1re, 27 nov. 2001, aff. du bronze de Camille Claudel).

En l’espèce, le litige opposait le vendeur d’un tableau qui l’avait proposé à une vente aux enchères avant que l’œuvre ne soit placée sous scellé dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte du chef de recel de vol. Acheté en août 1994 auprès d’une galerie par le vendeur, le tableau avait en effet été dérobé quelques semaines plus tôt en février 1994. Le propriétaire initial a alors sollicité et obtenu la restitution du tableau. Le vendeur a contesté cette mesure et a, à son tour, sollicité la restitution du tableau, ce qui lui a été refusé par décision de la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris le 24 novembre 2020 confirmant le refus de restitution du bien saisi pris par le Procureur de la République. Le vendeur a contesté cette décision. Par arrêt du 26 janvier 2022, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel au motif que la Cour d’appel n’avait pas répondu « au mémoire du demandeur faisant valoir qu’il était propriétaire du tableau en application de l’article 2276 du code civil et que [le propriétaire initial] ne pouvait en revendiquer la propriété plus de trois ans après le vol ». Pour confirmer le refus de restitution, la Cour d’appel avait en effet simplement considéré que les circonstances dans lesquelles le vendeur était entré en possession du tableau étaient floues et sa bonne foi insuffisamment établie. « Sérieusement contestée », la propriété du vendeur n’avait pour autant pas été tranchée par la Cour d’appel. Sa décision est donc logiquement cassée et annulée. Il appartiendra donc à une autre juridiction de trancher la question. Affaire à suivre donc, étant toutefois précisé que le délit de recel de vol reproché en l’occurrence au vendeur n’a pas été considéré comme suffisamment établi pour justifier des poursuites devant une juridiction pénale…

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