En raison de son régime dérogatoire du droit commun du droit d’auteur, l’œuvre collective est souvent sollicitée par les entreprises. Son application suppose toutefois que plusieurs conditions soient réunies. Celles-ci sont précisément détaillées dans cette décision portant sur le livre de cuisine « Ladurée Salé » (Cour d’appel de Versailles, 1e ch., 1e section, 2 mars 2021, RG n° 18/08237)
L’œuvre collective obéit à un régime particulier, dérogatoire du droit commun du droit d’auteur, particulièrement attractif pour la personne, physique ou morale, qui en a pris l’initiative, la direction et qui la publie sous son nom. La qualification d’œuvre collective présente en effet deux intérêts majeurs : elle permet d’abord aux personnes morales d’être titulaires ab initio des droits d’auteur par dérogation au principe selon lequel la qualité d’auteur n’est reconnue qu’aux seules personnes physiques ; elle autorise ensuite à rémunérer les auteurs sur la base d’un forfait par exception au principe de la rémunération proportionnelle assise sur le prix public de vente hors taxes.
En pratique, la qualification d’œuvre collective n’est pas toujours aisée. L’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 2 mars 2021 est à cet égard intéressant car sa motivation permet d’en bien saisir les conditions.
A l’occasion de ce litige portant sur un livre de cuisine intitulé « Ladurée Salé », la Cour d’appel de Versailles a en effet appliqué au cas d’espèce chacune des conditions de l’œuvre collective en des termes qui méritent d’être reproduits in extenso et de manière linéaire :
- Initiative et direction : « Il en résulte que l’œuvre a été créée à l’initiative de la société Ladurée qui a contrôlé toutes les étapes du processus de création, de sa conception à sa réalisation, ainsi que la phase d’exploitation.
- Fusion des contributions : La contribution incontestable de M. X à l’élaboration de l’ouvrage Ladurée Salé, inhérente aux attributions de son contrat de travail, liée à ses compétences culinaires reconnues et à son savoir-faire technique, s’est fondue dans l’ensemble de l’activité d’une équipe composée de personnes salariées de la société Ladurée et de personnes indépendantes,
- Instructions et directives : [et ce ] sous la maîtrise d’œuvre de Mme A responsable éditoriale des éditions du Chêne, qui a construit l’ouvrage, en donnant des directives et en animant les équipes réunies à cette fin, selon un cadre prédéfini par la société Ladurée, initiatrice et investisseur de celui-ci, qui a conservé tout au long du processus d’élaboration, son pouvoir décisionnaire, notamment exercé par l’intermédiaire de Mme B, directrice de la communication image et marketing, destinataire finale de la demande d’accord préalable sur le bon à tirer de l’ouvrage ».
- Et d’ajouter s’agissant de la fusion des contributions (bis) et de l’exclusion de la qualification d’œuvre de collaboration : « La fusion des diverses contributions, mêmes si elles s’avèrent parfois identifiables, a tendu à composer un ensemble conçu et voulu dès l’origine par la société Ladurée comme le pendant du premier ouvrage élaboré dans les mêmes conditions, sans que M. X démontre qu’il est le fruit d’un travail créatif concerté conduit en commun par plusieurs auteurs ».