L’absence de participation matérielle d’un artiste à la réalisation d’une œuvre n’exclut pas que la paternité puisse lui en être attribuée, dès lors que l’œuvre a été exécutée selon ses instructions et sous son contrôle (Cour de Cassation, civ. 1, 6 janvier 2021, n° 19-14.205)
La décision de la Cour de cassation du 6 janvier 2021 met fin à une importante séquence jurisprudentielle au cours de laquelle plusieurs décisions ont été rendues.
Le litige concernait une sculpture achetée lors d’une vente aux enchères publique. L’acheteur sollicitait la nullité de la vente sur la base d’une d’expertise attribuant en définitive la paternité de la sculpture à Heger de Löwenfeld et non au peintre Georges Braque. A l’en croire, son consentement sur les qualités substantielles de l’œuvre aurait donc été vicié. D’abord annulée par arrêt du 26 janvier 2016 la Cour d’appel de Paris, la vente a ensuite été validée par la Cour d’appel de Paris par arrêt du 27 février 2018 intervenant après cassation (Cour de cassation 11 mai 2017). C’est cette décision qui a été confirmée par la Cour de cassation dans l’arrêt commenté, lequel met fin au litige, le pourvoi formé par l’acquéreur qui contestait la vente ayant été rejeté.
De prime abord, la décision de la Cour de cassation ne soulève aucune difficulté particulière. Elle observe en effet que la cour d’appel a énoncé à bon droit que :
- « la constatation de l’absence de participation matérielle de Georges Braque à la réalisation de la sculpture intitulée “Hermes 1963”, qui avait servi de modèle à la sculpture litigieuse, n’excluait pas que la paternité puisse lui en être attribuée, dès lors que l’œuvre avait été exécutée selon ses instructions et sous son contrôle »,
- « l’œuvre Hermes 1963 avait été réalisée dans le respect des dispositions prévues par le contrat du 6 juin 1962 et exposée en 1963, du vivant de Georges Braque et avec son consentement, justifiant ainsi qu’il en avait contrôlé la réalisation»,
- « la sculpture acquise était conforme à la présentation faite par le catalogue de la vente aux enchères, lequel précisait qu’il s’agissait d’une fonte posthume, et que l’apposition de la signature de Georges Braque respectait les dispositions de la convention du 6 juin 1962 et ne pouvait être qualifiée de simple imitation » de sorte que l’acquéreur ne justifiait pas avoir été trompé ni avoir commis une erreur de nature à vicier son consentement ».
Alors pourquoi cette bataille judiciaire ?
Sans doute à raison des conditions très spécifiques de réalisation de l’œuvre dont la vente était contestée. La complexité de l’affaire ne peut en effet être parfaitement saisie si l’on ne précise pas que l’exemplaire vendu résultait de fontes posthumes réalisées après la mort de Heger de Löwenfeld à partir de la sculpture « Hermès 1963 » tirée d’une gouache réalisée par Löwenfeld sur la base d’œuvres de Georges Braque, et ce sous le contrôle étroit et avec l’accord de ce dernier. Georges Braque avait en effet autorisé par convention Heger de Loewenfeld à reproduire certaines de ses œuvres en trois dimensions et à y apposer sa signature, sous réserve du respect des conditions suivantes : les œuvres destinées à être reproduites devaient être reprises en maquette ou en dessin d’atelier par Heger de Loewenfeld ; ces derniers devaient être signés par le peintre et chaque œuvre devait en principe être reproduite en un seul exemplaire. En l’occurrence c’est parce qu’il a été établi que ces conditions avaient été respectées et que le catalogue de vente aux enchères faisait référence à cet accord que la vente a été considérée comme parfaitement valable. Mieux vaut donc bien se renseigner avant d’acheter une œuvre d’art et si l’on veut solliciter la nullité d’une vente s’assurer que son consentement ne pouvait pas être éclairé notamment par les mentions portées dans le catalogue de vente.