Par une décision n°22 du 1er juin 2021, la commission chargée de fixer la rémunération pour copie privée, instituée par l’article L.311-5 du Code de la propriété intellectuelle, a étendu l’application de cette rémunération aux téléphones et tablettes « multimédia » reconditionnés.
L’association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a contesté cette décision devant le juge administratif, dans le cadre d’une procédure au fond, en cours, ainsi qu’en référé. Cette seconde procédure visait à obtenir la suspension de la décision de la commission, dans l’attente du résultat de la procédure au fond, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code la justice administrative. Ce texte permet au juge des référés administratif de suspendre une décision administrative, ou certains de ces effets, à deux conditions cumulatives : cette suspension doit être justifiée par l’urgence et il doit être fait état d’un moyen propre à créer un doute sérieux, en l’état de l’instruction, quant à la légalité de cette décision.
Pour que la condition d’urgence soit remplie, il faut que l’exécution de la décision soit de nature à porter atteinte, de manière « suffisamment grave et immédiate », à l’intérêt public, aux intérêts du requérant ou de ceux qu’il défend.
En l’occurrence, l’UFC-Que Choisir soutenait en substance, devant le Conseil d’Etat, que le montant global de la rémunération pour copie privée qui serait payé par les acheteurs de produits reconditionnés serait de plusieurs millions d’euros sur sept mois (de juillet à décembre 2021) et que les sommes en cause seraient irrécupérables par les consommateurs en cas d’annulation de la décision de la Commission ; l’association de défense des consommateurs soutenait également que cette rémunération aurait un impact négatif sur le marché des appareils reconditionnés et donc sur l’impact écologique de la filière numérique ainsi que sur la fracture numérique.
Par l’ordonnance rapportée, le Conseil d’Etat écarte le premier argument, au motif que la rémunération pour copie privée applicable aux appareils reconditionnés est inférieure de 40% pour les téléphones, et de 35% pour les tablettes, à celle applicable aux appareils neufs, en sorte que les tarifs contestés ne permettent pas de caractériser une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts des consommateurs. En d’autres termes, ces derniers y gagnent quand même.
Il écarte également le second, au motif que l’UFQ-Que Choisir n’a pas apporté aux débats d’élément justifiant d’une atteinte grave et immédiate aux intérêts en cause.
La première condition d’urgence n’étant pas remplie, le Conseil d’Etat rejette la demande de suspension de la décision de la Commission, si bien que la rémunération pour copie privée s’applique effectivement aux téléphones et tablettes reconditionnés depuis le 1er juillet 2021… dans l’attente de la décision au fond, et aussi de l’éventuelle adoption de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, qui pourrait, en fonction des débats parlementaires et si elle est adoptée, exempter de cette rémunération l’économie sociale et solidaire (reconditionnements opérés par Emmaüs, par exemple).