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Au sommaire :
- INTELLIGENCE ARTIFICIELLE & RÉGLEMENTATION : Le Règlement (UE) sur l’IA a été publié au JOUE le 12 juillet 2024 ; il est considéré comme compatible avec la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’IA du 17 mai 2024 (Règlement (UE) 2024/1689 du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’IA, JOUE, 12 juillet 2024 et convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’IA et les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit du 17 mai 2024 et signé par l’UE le 5 septembre 2024).
- INFLUENCEURS & RÉGLEMENTATION : Le 4 juillet 2024, le gouvernement a notifié à la Commission européenne un projet d’ordonnance afin d’adapter la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux aux exigences de conformité avec le droit de l’Union européenne (Projet d’ordonnance, 4 juillet 2024).
- SPORT & BILLETTERIE : Le tribunal judiciaire de Paris a ordonné le blocage de l’accès à un site internet non autorisé proposant à la vente des billets pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (Tribunal judiciaire de Paris, 29 juillet 2024, RG n°24/09234).
- DROIT D’AUTEUR & PRESCRIPTION : Par un arrêt du 4 juin 2024, la Cour de Cassation a jugé que l’action en résiliation d’un contrat d’édition pour manquement aux obligations d’exploitation permanente et suivie et de reddition des comptes, soumise au délai de prescription de cinq ans de l’article 2224 du code civil, pouvait n’être pas prescrite si les manquements en cause, bien que constatés plus cinq ans avant l’assignation, avaient été réitérés dans les cinq années ayant précédé celle-ci (Cour de cassation, civ 1ère, 4 juin 2024, n°22-24.462).
- NUMÉRIQUE & MENTIONS LÉGALES : Le contenu des mentions devant obligatoirement être mis à disposition du public par les éditeurs de services de communication au public a été récemment modifié (loi n°2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique, dite « loi SREN », modifiant la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dite « loi LCEN »).
- NUMÉRIQUE & TRANSPARENCE : Les obligations de transparence incombant aux fournisseurs de comparateurs en ligne, de places de marché en ligne et d’agrégateurs de contenus d’actualité en ligne ont été précisées et complétées (Décret n° 2024-753 du 7 juillet 2024 modifiant le code de la consommation en ce qui concerne les obligations d’information des fournisseurs de comparateurs en ligne, de places de marché en ligne et d’agrégateurs de contenus d’actualité en ligne).
- MARQUE & DÉCEPTIVITÉ : Pour la deuxième fois en moins de six mois, la Cour de cassation interroge par voie de question préjudicielle la Cour de justice de l’Union européenne sur la notion de déceptivité d’une marque (Cour de cassation, com., 5 juin 2024, n°22-11.499).
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE & RÉGLEMENTATION : Le Règlement (UE) sur l’IA a été publié au JOUE le 12 juillet 2024 ; il est considéré comme compatible avec la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’IA du 17 mai 2024 (Règlement (UE) 2024/1689 du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’IA, JOUE, 12 juillet 2024 et convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’IA et les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit du 17 mai 2024 et signé par l’UE le 5 septembre 2024).
Le Règlement (UE) 2024/1689 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) pendant l’été, le 12 juillet 2024.
Le texte va s’appliquer progressivement, selon les prochaines étapes suivantes :
– 2 février 2025 (6 mois après l’entrée en vigueur) : Interdictions relatives aux systèmes d’IA présentant des risques inacceptables.
– 2 août 2025 (12 mois après l’entrée en vigueur) : Application des règles pour les modèles d’IA à usage général. Nomination des autorités compétentes au niveau des États membres. Confidentialité, sanctions et amendes pourront commencer à s’appliquer.
– 2 août 2026 (24 mois après l’entrée en vigueur) : Toutes les dispositions du règlement sur l’IA deviennent applicables, en particulier l’application des règles relatives aux systèmes d’IA à haut risque de l’annexe III (systèmes d’IA dans les domaines de la biométrie, des infrastructures critiques, de l’éducation, de l’emploi, de l’accès aux services publics essentiels, de l’application de la loi, de l’immigration et de l’administration de la justice).
– 2 août 2027 (36 mois après l’entrée en vigueur) : Application des règles relatives aux systèmes d’IA à haut risque de l’annexe I (jouets, équipements radio, dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, sécurité de l’aviation civile, véhicules agricoles, etc.).
Pour rappel, le Règlement de l’UE sur l’IA est un texte stratégique. Il fixe un cadre complet, transverse, applicable à tous opérateurs économiques, tous secteurs confondus (sauf finalités militaires et R&D). En substance, le Règlement de l’UE sur l’IA tend à favoriser l’innovation tout en protégeant la société, en procédant à une approche de régulation graduée selon les risques : les systèmes d’IA sont classés selon leur niveau de risque, les contraintes juridiques variant à proportion de ce risque.
Concrètement, le Règlement oblige tout opérateur économique exploitant un système d’IA, à réaliser un audit de ses systèmes d’IA afin, d’abord, d’en évaluer les risques pour, ensuite, selon le niveau de risque identifié, mettre en place le dispositif de conformité approprié. Audit et cartographie des risques constituent les premières étapes du processus de mise en conformité. Il est recommandé à en à cette occasion d’établir une charte ou code de bonne conduite afin de réguler les pratiques et de diffuser les règles de bonne conduite.
Au Règlement de l’UE sur l’IA, s’ajoute un autre texte, également contraignant : la convention-cadre du Conseil de l’Europe surl’IA et les droits de l’homme, la démocratie etl’État de droit adopté le 17 mai 2024. Ce traité international vise à garantir que les activités menées dans le cadre du cycle de vie des systèmes d’intelligence artificielle sont pleinement compatibles avec les droits humains, la démocratie et l’État de droit, tout en étant propice au progrès et aux innovations technologiques.
Le texte a été signé le 5 septembre 2024 par la Commission européenne lors de la conférence informelle des ministres de la Justice du Conseil de l’Europe à Vilnius, avec d’autres pays (Andorre, Géorgie, Islande, Norvège, République de Moldova, Saint-Marin, Royaume-Uni, Israël, États-Unis d’Amérique). Cette signature confirme, si besoin, la compatibilité du Règlement de l’UE sur l’IA avec ce traité international.
INFLUENCEURS & RÉGLEMENTATION : Le 4 juillet 2024, le gouvernement a notifié à la Commission européenne un projet d’ordonnance afin d’adapter la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux aux exigences de conformité avec le droit de l’Union européenne (Projet d’ordonnance, 4 juillet 2024).
Après la sommation effectuée par la Commission européenne au gouvernement de réécrire la loi influenceurs en raison de l’existence d’un risque de conflit avec le droit de l’Union européenne (directive e-commerce 2000/31/CE du 8 juin 2000 ; règlement DSA 2022/2065 du 19 octobre 2022 ; directive SMA 2018/1808 du 14 novembre 2018), la loi DDADUE du 22 avril 2024 a d’une part abrogé les articles 10, 11, 12, 15 et 18 de la loi influenceurs, et d’autre part autorisé le gouvernement à opérer des modifications par voie d’ordonnances jusqu’au 22 janvier 2025.
Le projet d’ordonnance notifié le 4 juillet prévoit en conséquence une modification des points suivants :
Concernant la définition du terme influenceur : la définition en elle-même n’est pas modifiée, mais le projet précise que la loi s’applique aux influenceurs établis en France ou hors de l’Espace Économique Européen. Ces derniers pourront être sanctionnés via un mécanisme de sauvegarde en cas d’atteinte, de risque sérieux et grave d’atteinte à l’ordre public (protection des mineurs, des consommateurs, …).
Concernant les influenceurs non établis dans un État membre européen : un décret est prévu pour imposer la désignation d’un représentant légal si les influenceurs en question ciblent un public en France.
Concernant l’intention commerciale, celle-ci peut être désignée avec plus de souplesse : d’autres termes que « publicité » ou « collaboration commerciale » sont admis dès lors qu’ils permettent de rendre cette information claire et accessible.
Enfin, de la même manière, concernant l’information relative à un contenu créé avec l’intelligence artificielle, des images retouchées, des jeux d’argent et de hasard, une plus grande souplesse est admise, à condition que ces mentions soient « identifiables sur l’image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l’intégralité du visionnage ».
SPORT & BILLETTERIE : Le tribunal judiciaire de Paris a ordonné le blocage de l’accès à un site internet non autorisé proposant à la vente des billets pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (Tribunal judiciaire de Paris, 29 juillet 2024, RG n°24/09234).
Le Comité d’organisation des jeux olympiques et paralympiques (COJOP) détient les droits d’organisations des jeux olympiques et paralympiques. Or les opérateurs tels que notamment Orange, SFR, Free et OMT permettaient, via internet, l’accès à un site qui proposait la vente de billets pour cet évènement, sans autorisation.
Le COJOP a donc assigné ces sociétés le 19 juillet 2024 en vue d’obtenir la mise en œuvre de mesures propres à empêcher l’accès à ce site, à partir du territoire français, par leurs abonnés. Le COJOP demandait plus précisément que le blocage soit effectué dans un délai maximum de 3 jours, et ce jusqu’au terme des Jeux olympiques et paralympiques.
Dans sa décision du 29 juillet 2024, le tribunal judiciaire de Paris ordonne le blocage du site litigieux par les opérateurs. Il estime qu’en proposant à la vente au public de façon illicite des billets pour les Jeux, le site portait des atteintes graves aux droits exclusifs du COJOP, au moyen d’un service de communication au public en ligne, causant ainsi un dommage au demandeur, ainsi qu’un trouble manifestement illicite, notamment en raison d’attroupementsur les sites de personnes dont les billets ont été annulés.
En plus d’un droit exclusif d’exploitation de la vente de billet pour lesJeux, le COJOP dispose également d’un droit exclusif sur le logo des Jeux, sur les termes « jeux olympiques » et le sigle « JO » en application de l’article L. 145-9 du code du sport. Le site viole également les conditions générales de vente des places pour cette compétition qui interdisent la vente et la revente de billets par tout autre site que les sites officiels.
Le tribunal estime dès lors que les conditions posées par l’article 6-3 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 sont réunies, et ordonne aux opérateurs de bloquer l’accès au site en cause, dans un délai de 3 jours à compter de la signification de la décision, délai qui apparaît conforme à l’exigence de proportionnalité.
DROIT D’AUTEUR & PRESCRIPTION : Par un arrêt en date du 4 juin 2024, la Cour de Cassation a jugé que l’action en résiliation d’un contrat d’édition pour manquement aux obligations d’exploitation permanente et suivie et de reddition des comptes, soumise au délai de prescription de cinq ans de l’article 2224 du code civil, pouvait n’être pas prescrite si les manquements en cause, bien que constatés plus cinq ans avant l’assignation, avaient été réitérés dans les cinq années ayant précédé celle-ci (Cour de cassation, civ. 1ère, 4 juin 2024, n°22-24.462).
A l’occasion d’un litige banal, la Haute juridiction adopte une solution à notre connaissance inédite s’agissant de la prescription de l’action en résiliation d’un contrat d’auteur pour manquement contractuel.
L’auteur compositeur d’une œuvre musicale avait cédé ses droits sur cette œuvre, en vertu d’un contrat d’édition musicale, au producteur d’un film qui lui avait commandé cette œuvre pour constituer la bande originale dudit film.
Au-delà de l’exploitation de ce film lui-même, l’œuvre musicale n’avait été exploitée que deux fois, espacées dans le temps, sous forme d’extraits au sein de films publicitaires (synchronisations). Elle n’avait notamment fait l’objet d’aucune exploitation sous forme d’enregistrements phonographiques, ni sur supports matériels, ni sous forme dématérialisée. Et l’auteur n’avait reçu aucune reddition de comptes, sauf pour la première exploitation publicitaire. Il a alors décidé d’agir notamment en résiliation du contrat d’édition musicale, en invoquant le défaut d’exploitation permanente et suivie de son œuvre et l’absence de reddition des comptes.
La cour d’appel de Paris a jugé cette action prescrite sur le fondement de l’article 2224 du code civil, selon lequel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». En effet, selon les juges du fond, il résultait de l’assignation elle-même que l’auteur avait connaissance de ces inexécutions contractuelles plus cinq ans avant l’assignation.
Cependant, l’arrêt rapporté censure cette décision pour défaut de base légale, la Haute juridiction considérant que la cour d’appel aurait dû rechercher si les manquements imputés à la société de production audiovisuelle ne s’étaient pas poursuivis pendant la période « non prescrite », c’est-à-dire au cours des cinq ans ayant précédé l’assignation. C’est dire que, dans le contexte du litige au moins, la prescription de l’action en résiliation d’un contrat d’auteur peut être partielle.
Cette solution est rendue au visa de l’article 2224 du code civil mais aussi des articles L. 132-12 et L. 132-13 du code de la propriété intellectuelle, qui édictent les obligations d’exploitation permanente et suivie et de redditions de comptes de l’éditeur. Elle paraît donc justifiée par la nature de ces obligations, qui s’exécutent dans le temps, et ne peut sans doute être étendue ni à tout contrat d’auteur, ni même à toutes les obligations de l’éditeur.
NUMÉRIQUE & MENTIONS LÉGALES : Le contenu des mentions devant obligatoirement être mis à disposition du public par les éditeurs de services de communication au public en ligne a été récemment modifié (loi n°2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique, dite « loi SREN », modifiant la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dite « LCEN »).
Toute personne, morale ou physique, qui édite un service de communication au public en ligne, c’est à-dire notamment un site, une plateforme, une application Web ou mobile, est tenue, en application de la LCEN, de mettre à disposition du public certaines informations, appelées en pratique « mentions légales ». Ces informations obligatoires visent à porter à la connaissance du public l’identité de l’éditeur du service ainsi que celle de certaines personnes qui interviennent dans la fourniture dudit service (initialement, l’hébergeur et, le cas échéant, le ou les responsables des contenus éditoriaux).
Avec l’adoption de la loi SREN, l’information doit également inclure les coordonnées du ou des éventuels fournisseurs de services de stockage des données personnelles ou non personnelles des internautes, autrement dit des prestataires de service cloud, auxquels l’éditeur du service de communication au public en ligne a recours. L’ajout de cette nouvelle information, à la liste des mentions légales obligatoires qui figure désormais à l’article 1-1 de la LCEN, résulte du constat que l’identité de l’hébergeur n’est plus suffisante dès lors qu’il est courant que les données ne soient pas hébergées par ce dernier.
Pourse conformer à cette modification législative, les éditeurs de services de communication au public en ligne devront modifier les mentions légales desdits services, sous peine d’être pénalement poursuivis.
NUMÉRIQUE & TRANSPARENCE : Les obligations de transparence incombant aux fournisseurs de comparateurs en ligne, de places de marché en ligne et d’agrégateurs de contenus d’actualité en ligne ont été précisées et complétées (Décret n°2024-753 du 7 juillet 2024 modifiant le code de la consommation en ce qui concerne les obligations d’information des fournisseurs de comparateurs en ligne, de places de marché en ligne et d’agrégateurs de contenus d’actualité en ligne)
Avec l’adoption de la loi n°2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à régulerl’espace numérique, dite « loi SREN », une obligation d’information loyale, claire et transparente a été mise à la charge des opérateurs suivants :
– les fournisseurs de place de marché en ligne : c’est-à-dire les personnes fournissant un service utilisant un logiciel qui permet aux consommateurs de conclure des contrats à distance avec des tiers ;
– les fournisseurs de comparateur en ligne : c’est-à-dire les personnes fournissant un service de communication au public en ligne consistant en la fourniture d’informations permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels ; et
– les agrégateurs de contenus d’actualité en ligne : expression utilisée en pratique pour désigner les personnes proposant, à titre professionnel, un service de communication au public en ligne reposant sur le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus extraits de publications de presse ou de services de presse en ligne d’information politique et générale et qui dépassent cinq millions de visiteurs uniques par mois.
L’obligation d’information incombant à ces opérateurs, définie par l’article L. 111-7 du Code de la consommation, porte, entre autres, sur les modalités de classement des contenus, biens ou services proposés ou mis en ligne, ainsi que sur l’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération au profit de l’opérateur influençant le classement ou le référencement desdits contenus, biens ou services.
Le décret n° 2024-753 du 7 juillet 2024, entré en vigueur le 9 juillet 2024, est venu préciser le contenu desinformations à fournir par les opérateurs ainsi que les modalités de fourniture de cesinformations. Ces éléments, prévus aux articles D. 111-6 à D. 111-8 du Code la consommation,sont, pour une partie, communs à l’ensemble des opérateurs en cause, et pour l’autre, varientselon l’activité de l’opérateur.
A défaut de respect de ces nouvelles dispositions, l’opérateur encourt une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale.
MARQUE & DÉCEPTIVITÉ : Pour la deuxième fois en moins de six mois, la Cour de cassation interroge par voie de question préjudicielle la Cour de justice de l’Union européenne sur la notion de déceptivité d’une marque (Cour de cassation, com., 5 juin 2024, n°22-11.499).
Par l’arrêt attaqué, la cour d’appel de Paris a prononcé la nullité des marques françaises <FAURÉ LE PAGE 1717> déposées en 2009 par la société Fauré Le Page en raison de leur caractère trompeur. Selon la cour d’appel, la tromperie résulterait de l’utilisation du nombre 1717. Ce nombre ferait référence à la date de création de la Maison Fauré Le Page, qui amènerait ainsi le public à croire à tort que la société Fauré Le Page aurait continué l’activité de la première depuis 1717 et bénéficierait de son savoir-faire, gage, dans l’esprit du public concerné, de qualité des produits sur lesquels ces marques sont apposées. La cour a retenu en outre que l’information erronée ainsi véhiculée est susceptible d’influencer la décision d’achat du consommateur moyen d’articles de maroquinerie de luxe, tels ceux commercialisés par la société Fauré Le Page, dèslors que ce dernier attache de l’importance à l’histoire et à l’ancienneté de l’entreprise qui les commercialise.
La société Fauré Le Page soutient que, pour être considérée comme déceptive, la marque doit être de nature à tromper le consommateur, non sur l’entreprise, mais sur la nature et les caractéristiques des produits ou des services désignés à l’enregistrement.
Cependant, la Cour de cassation considère, en substance, que le caractère déceptif d’une marque ne se limite pas à un message trompeursur les seules caractéristiques du produit ou du service mais peut concerner les caractéristiques de l’entreprise titulaire de la marque elle-même, et en particulier son ancienneté.
Compte tenu d’une hésitation sur l’interprétation de la notion de marque déceptive, la Cour de cassation a décidé d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne et lui a posé plusieurs questions préjudicielles – la première d’entre elles, dans les termes suivants : « L’article 3, paragraphe 1, sous g), de la directive n°2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques doit-il être interprété en ce sens que la mention d’une date de fantaisie dans une marque communiquant une information fausse sur l’ancienneté, le sérieux et le savoir-faire du fabricant des produits et, partant,sur une des caractéristiques non matérielles desdits produits, permet de retenir l’existence d’une tromperie effective ou un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur ?
Réponse à suivre ; la saga « Fauré Le Page » est loin d’être finie…