La loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique a été publiée le 26 octobre au Journal officiel, après avoir été retardée en raison de la crise sanitaire.
Composé de 37 articles, le texte se décline autour de trois axes :
- mise en place d’une nouvelle régulation de l’audiovisuel et du numérique ;
- protection des droits des créateurs ;
- protection de l’accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises.
Une nouvelle institution est tout d’abord créée : l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). Cette nouvelle autorité remplace ainsi la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Plus exactement, le CSA change de nom pour devenir l’ARCOM qui, par ailleurs, est substituée à l’HADOPI dans ses droits et obligations, l’HADOPI étant dissoute et ses biens transférés à l’ARCOM à compter du 1er janvier 2022.
La protection des droits des créateurs passe par l’instauration de plusieurs dispositifs, dont trois méritent d’être plus particulièrement mentionnés. Le premier concerne l’instauration d’une « liste noire » des sites portant atteinte « de manière grave et répétée » aux droits d’auteur ou aux droits voisins (nouvel art. L. 331-25 du Code de la propriété intellectuelle). La liste est dressée par l’ARCOM sur la base d’une procédure d’instruction préalable prévoyant un débat contradictoire, le responsable du site en cause pouvant être entendu et faire valoir ses observations, soit au cours de l’instruction, soit « à tout moment » afin de solliciter son retrait de la liste noire après inscription. Cette liste vise deux objectifs principaux : faciliter les actions judiciaires des titulaires de droits et dissuader tous ceux qui sont « en relation commerciale » avec ces sites (ainsi notamment des annonceurs, de leurs mandataires ou de ceux encore qui fournissent des moyens de paiement) dès lors qu’il leur est fait obligation de communiquer à l’ARCOM l’existence de ces relations.
Le deuxième mécanisme concerne les « sites miroirs » : tout titulaire de droits, partie à une décision judiciaire passée en force de chose jugée ayant ordonné « toute mesure propre à empêcher l’accès » à un site internet, peut demander à l’ARCOM d’empêcher l’accès à tout site « reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu » du site jugé illicite. Dans le même sens, l’ARCOM peut demander à un moteur de recherche, annuaire ou autre service de référencement, de déréférencer les sites concernés. Et en cas de difficulté, le juge peut à son tour être saisi, en référé ou sur requête, pour faire cesser l’accès aux sites litigieux (nouvel art. L. 331-27 Code de la propriété intellectuelle).
Le troisième dispositif vise à renforcer la lutter contre les sites de « streaming sportif » : un mécanisme ad hoc est prévu, selon la procédure accélérée au fond ou en référé, au profit des détenteurs de droits de diffusion d’événements sportifs « aux fins d’obtenir toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou à faire cesser » toute atteinte « grave et répétée » et ce « à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ». Parmi les mesures proportionnées sont mentionnées, à titre d’exemple, les mesures de blocage, de retrait ou de déréférencement. Ce dispositif permet ainsi d’agir rapidement, y compris à titre préventif, et ce pour empêcher l’accès « à partir du territoire français » à tout site « identifié ou qui n’a pas été identifié » à la date de l’ordonnance judiciaire « diffusant illicitement la compétition ou manifestation sportive ou dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de la compétition ou manifestation sportive ». Ce nouveau dispositif inséré à l’article L. 333-10 du Code du sport confirme, si besoin, les liens étroits entre le code du sport et le code de la propriété intellectuelle. Ce d’autant que ce mécanisme s’applique aussi bien en cas d’atteinte au droit de l’organisateur d’une manifestation sportive (fédérations et organisateurs au sens de l’article L. 333-11 du code du sport, ainsi que les ligues sportives commercialisant les droits d’exploitation audiovisuelle de compétitions sportives professionnelles) qu’en cas de violation du droit voisin d’une entreprise de communication audiovisuelle (au sens du code de la propriété intellectuelle, i.e. chaines de télévision ou de radio) dès lors que son programme porte sur une manifestation sportive.
Le troisième volet important du texte organise la protection du patrimoine audiovisuel et cinématographique français. C’est cette fois le Code du cinéma et de l’image animée qui est modifié avec l’insertion d’un nouveau titre VI composé de trois articles.
Le premier article prévoit un dispositif de notification préalable au ministre chargé de la culture et de la communication en cas de rachat de catalogues d’œuvres françaises par des acteurs étrangers afin de s’assurer que ces catalogues restent en tout temps accessibles au public français (art. L. 261-1). Plus précisément, les œuvres couvertes par ce mécanisme sont les œuvres cinématographiques (films de long métrage qui ont obtenu un visa d’exploitation définitif ou courts métrages) ou audiovisuelles (fiction, animation, documentaire ou adaptation de spectacle vivant) françaises au sens de l’accord professionnel sur l’obligation de recherche d’exploitation suivie des œuvres cinématographiques et audiovisuelles intervenu le 3 mars 2016 en application de l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle et rendu obligatoire par arrêté du ministre de la culture du 7 mars 2016. En substance, il s’agit des œuvres qui sont régies par un contrat de production de droit français, financées majoritairement par des personnes physiques ou morales de nationalité française et ayant bénéficié d’aides publiques. Les opérations visées par le texte sont les opérations de cession « ou toute autre opération d’effet équivalent à une cession quant au droit d’exploiter les œuvres ». Les bénéficiaires de la cession sont les personnes qui ne seraient pas soumises à l’accord professionnel de 2016 précité et qui n’auraient pas « la qualité de coproducteur de l’œuvre ou des œuvres concernées ». La procédure de notification préalable quant à elle a pour objectif de s’assurer que le bénéficiaire de l’opération « est en mesure de rechercher l’exploitation suivie des œuvres cédées dans des conditions équivalentes à celles résultant de l’application de l’accord » précité de 2016. Les deux autres articles précisent les sanctions et voies de recours (art. L. 261-2) et renvoient à un décret pour fixer certaines modalités d’application du nouveau dispositif (art. L. 261-2). Notons simplement que les pouvoirs de sanction initialement reconnus au ministre de la culture et de la communication ont été adoucis conformément à l’avis du le Conseil d’État du 1er avril 2021.
Cette rapide présentation de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique ne permet pas de rendre compte dans le détail de chacun des mécanismes institués, ni même de l’ensemble des modifications opérées par cette réforme sur de nombreux autres sujets. Le texte est dense et pourtant il ne s’agit que d’une étape car de nombreux points n’y sont pas abordés. D’autres mesures seront adoptées prochainement. La simplification du droit attendra.