Le droit d’exposition n’a jamais eu la cote en droit d’auteur.
Initialement, une partie de la doctrine a été réfractaire à l’existence d’un droit d’exposition publique au regard de la législation sur le droit de la propriété littéraire et artistique. Desbois soutenait par exemple que l’exposition d’une œuvre au public ne constitue pas une représentation publique et que, par conséquent, elle ne saurait être soumise au « consentement discrétionnaire » de l’auteur. Son argument était pour le moins étonnant : « Il s’agirait d’une innovation, qui ne se recommanderait d’aucun précédent dans la jurisprudence antérieure, et qui serait d’autant plus surprenante que le législateur en aurait pris l’initiative en rédigeant une disposition, dont tous les autres éléments n’ont d’autre objet que de réaliser la codification des solutions jurisprudentielles… » (Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, 1978, n° 259). En bref, faute d’application jurisprudentielle antérieure, le législateur ne l’aurait pas envisagée en 1957.
L’argument a fait long feu. Certes le droit d’exposition ne figure pas expressis verbis dans la loi, mais nul ne conteste plus sérieusement que la généralité de la définition du droit de représentation, ainsi que l’énumération non exhaustive des procédés de communication de l’œuvre au public en visant expressément « la présentation publique », invitent incontestablement à inclure le droit d’exposition publique parmi les composantes du droit de représentation. Au demeurant et sans même avoir à solliciter le droit de l’Union européenne, rappelons que les travaux parlementaires y font expressément référence. Ainsi lors des travaux préparatoires de la loi de 1985 modifiant en partie la loi de 1957, le rapporteur, M. Alain Richard, a expressément évoqué l’existence de ce droit d’exposition : « À l’article 8, qui définit la notion de présentation publique au sens large – c’est-à-dire tout ce qui caractérise le passage de l’œuvre vers le public – la commission mixte paritaire a supprimé la notion d’“exposition publique” parmi les différentes modalités de présentation, tout en considérant que la notion de présentation publique de l’œuvre, qui, elle, figure dans le texte, incluait sans doute possible celle d’exposition publique. Il s’agissait d’éviter une redondance qui risquait de déclencher par la suite des interrogations sur l’interprétation du texte » (1er Rapport Richard à l’assemblée nationale in, n° spécial, RIDA, janvier 1986, p. 189 ; 2ème rapport Jolibois au Sénat, ibidem, p. 283).
Deux décisions du 20 septembre 2000 de la Cour d’appel de Paris, confirmées par deux arrêts de la Cour de cassation du 6 novembre 2002, ont également expressément reconnu le droit d’exposition publique de l’auteur d’une œuvre artistique. L’une des deux Cour d’appel de Paris a ainsi énoncé en termes généraux : « Que l’exposition d’une œuvre photographique à la vue du public constitue donc une représentation, au sens de l’article L. 122-2 du Code de la propriété intellectuelle, qui justifiait le consentement préalable de l’auteur ». Et la Cour de cassation a observé à son tour que la Cour d’appel a « en droit, exactement énoncé que l’exposition au public d’une œuvre photographique en constitue une communication au sens de l’article susvisé (article L. 122-2 CPI) et requiert, en conséquence, l’accord préalable de son auteur ».
Malgré l’indubitable application du droit d’auteur à l’exposition d’une œuvre d’art, cet acte de communication au public relevant du monopole de l’auteur et, partant, soumis à l’autorisation préalable de ce dernier, ne donne pas toujours lieu en pratique au paiement d’une rémunération. Précisons d’emblée qu’une telle rémunération n’est nullement obligatoire dès lors que le principe de la cession est lui-même aménagé, l’article L. 122-7 du Code de la propriété intellectuelle précisant que « le droit de représentation et le droit de reproduction sont cessibles à titre gratuit ou à titre onéreux ». De plus, l’absence de rémunération spécifique de l’auteur au titre du droit d’exposition est en pratique souvent compensée par d’autres contreparties, telles que notamment l’intérêt de l’artiste à voir ses œuvres présentées au public, sa cote sur le marché de l’art n’étant pas totalement étrangère à sa reconnaissance, spécialement lorsque l’exposition est organisée par un grand musée. La contrepartie de la cession du droit d’exposition peut également être incluse dans le prix de la commande de l’œuvre, voire ressortir de l’économie globale du contrat.
Le Ministère de la Culture et de la Communication, notamment après le Rapport Racine « L’auteur et l’acte de création » remis le 22 janvier 2020, a néanmoins souhaité mettre fin à cette pratique consistant à ne pas rémunérer spécifiquement les artistes-auteurs. Parmi les 15 premières mesures concrètes destinées à « améliorer les conditions de création des auteurs » présentées le 11 mars 2021, le Ministère de la Culture et de la Communication a déclaré vouloir « faire aboutir les travaux en cours concernant la rémunération du droit d’exposition des artistes par les musées et les FRAC ».
Il est ainsi proposé d’établir dans les musées « une rémunération obligatoire » en faveur des artistes-auteurs lors d’exposition temporaire de leurs œuvres, que ce soit dans le cadre d’expositions monographiques ou collectives. Le barème retenu fixe des rémunérations forfaitaires minimales allant de 100 euros par artiste pour une exposition collective à 1 000 euros pour une exposition monographique, ainsi qu’une rémunération proportionnelle de 3 % sur la billetterie pour les expositions bénéficiant d’une billetterie payante.
Cette rémunération spécifique va obliger les musées dépendant du ministère de la Culture et de la Communication à prévoir une rémunération spécifique et des dispositifs ad hoc de nature à la fois à assurer l’effectivité de la mesure, mais également son suivi tant sur le plan économique (financier et comptable) que politique. L’été a été propice à une réflexion dont les conclusions devraient désormais rapidement être connues.