L’article 17 de la Directive (UE) 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique a fait couler beaucoup d’encre.
Il a été transposé en droit français par l’ordonnance n°2021 du 12 mai 2021 avec les articles 18 à 23 de cette directive portant sur la juste rémunération des auteurs et des artistes interprètes ou exécutants dans le cadre des contrats d’exploitation (nous aurons l’occasion d’en reparler).
Cette transposition intervient sur le fil : alors que le gouvernement français avait souhaité transposer rapidement la directive, sa volonté s’est heurtée à la pandémie du COVID-19. La transposition n’en intervient pas moins dans les délais, la date limite de transposition ayant été fixée au 7 juin 2021.
Connu, l’article 17 n’en est pas moins complexe. Cette complexité se retrouve également dans le texte de transposition. Ce dernier a ainsi créé un nouveau chapitre VII dans le titre III du Code de la propriété intellectuelle (CPI) intitulé « Dispositions applicables à certains fournisseurs de services de partage de contenus en ligne » qui décline en 4 articles denses le nouveau dispositif (Art. L. 137-1 à L. 137-4 CPI). Ce dispositif applicable aux œuvres de l’esprit (droit d’auteur) est décliné aux articles L. 219-1 à L. 219-4 du CPI pour les objets protégés (droits voisins).
L’article L. 137-1 CPI définit les personnes visées par ce dispositif, à savoir le « fournisseur d’un service de partage de contenus en ligne », c’est-à-dire « la personne qui fournit un service de communication au public en ligne dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est de stocker et de donner au public accès à une quantité importante d’œuvres ou d’autres objets protégés téléversés par ses utilisateurs, que le fournisseur de service organise et promeut en vue d’en tirer un profit, direct ou indirect ». Sont ainsi visées les plateformes de partage de contenus en ligne, dont les plus emblématiques YouTube, Instagram, Dailymotion, Facebook, TikTok, Twitter, etc. D’autres sont expressément exclues du dispositif dont notamment les encyclopédies en ligne à but non lucratif, les fournisseurs de places de marché en ligne, les services en nuage entre entreprises ou encore les services en nuage qui permettent aux utilisateurs de téléverser des contenus pour leur usage strictement personnel.
L’article L. 137-2 CPI fixe le régime applicable à ces plateformes de partage de contenus en ligne. Il est ainsi précisé qu’en donnant accès à une œuvre protégée (ou objet protégé) par le droit d’auteur (ou par les droits voisins), la plateforme réalise un acte de représentation (ou de communication ou de télédiffusion), de sorte qu’elle doit obtenir l’autorisation des titulaires des droits. Cette autorisation bénéfice à l’utilisateur de la plateforme. A défaut d’autorisation, la plateforme est juridiquement responsable des contenus contrefaisants téléversés par ses utilisateurs. Sa responsabilité ne peut toutefois être engagée si certaines précautions ont été prises : si ses meilleurs efforts ont été fournis pour obtenir l’accord des titulaires de droits, si ses meilleurs efforts ont été fournis pour garantir l’indisponibilité des œuvres (ou objets protégés) pour lesquelles elle dispose des informations pertinentes et nécessaires et si en tout état de cause, elle a agi promptement, dès notification d’une demande motivée, non seulement pour bloquer l’accès aux œuvres (ou objets protégés) mais également pour empêcher que ces œuvres (ou objets protégés) soient téléversées dans le futur.
L’article L. 137-3 CPI impose à la plateforme de partage de contenus en ligne une obligation de transparence afin que les titulaires de droits puissent apprécier la réalité des mesures prises par elle et, partant, sa responsabilité.
L’article L. 137-4 CPI comprend enfin des mesures en faveur des utilisateurs. D’une part, il est rappelé que le nouveau dispositif ne peut s’opposer au libre usage des œuvres (ou objets protégés) dans les limites des droits prévus par le CPI, notamment s’agissant du bénéfice des exceptions aux droits d’auteur (et droits voisins). Et d’autre part, le fournisseur d’un service de partage de contenus en ligne doit mettre en place un dispositif de « recours et de traitement des plaintes relatives aux situations de blocage ou de retrait » afin de les contester y compris dans le cadre d’un recours devant la HADOPI (appelée à fusionner avec le CSA dans la future ARCOM).
Ce nouveau dispositif est applicable depuis le 7 juin 2021, y compris pour les contenus téléversés avant cette date. En coulisse, la bataille n’est toutefois pas terminée. Des « orientations relatives à l’article 17 de la nouvelle directive sur le droit d’auteur visent à soutenir une application cohérente dans tous les États membres de cette disposition importante des nouvelles règles de l’UE en matière de droit d’auteur » ont d’ailleurs été publiées par la Commission de l’Union européenne. Leur but officiel est de partager les points de vue des différentes parties prenantes et « d’examiner les solutions pratiques possibles pour l’application de l’article 17 ». Bref, la tentation de réécrire le texte n’est pas encore totalement abandonnée…