La détermination du caractère frauduleux d’un dépôt de marques n’est pas aisée à établir, y compris pour… les juridictions (Tribunal judiciaire de Paris, 3e ch., 3e section, 18 décembre 2020, RG n° 19/00374)
Le litige opposait deux fédérations françaises : la Fédération Française de Cyclisme (FFC) et la Fédération Française de Motocyclisme (FFM). La première reprochait à la seconde le dépôt de plusieurs marques françaises dont les signes étaient constitués de plusieurs éléments, dont les termes VTTAE, E-BIKE et E-VTT, désignant, par abréviations, des cycles à propulsion ou assistance électrique (« AE » pour « assistance électrique » et « E » pour « électrique »).
Selon la FFC les marques litigieuses auraient été déposées par la FFM en fraude de ses droits, dans le but notamment de la priver de signes nécessaires à son activité de fédération sportive délégataire. La FFC sollicitait, par voie de conséquence, pour certaines marques leur transfert à son profit et pour d’autres l’annulation de leur enregistrement.
Pour comprendre l’intérêt et les enjeux de la décision, il faut préciser qu’en application des dispositions du code du sport, une fédération sportive doit recevoir délégation du ministre chargé des sports pour bénéficier d’un monopole de droit pour l’organisation des compétitions liées à la discipline objet de la délégation. Or à la date des dépôts litigieux, aucune délégation relative au cycle à assistance électrique n’avait été octroyée, ni à la FFC ni à la FFM. Comment dès lors caractériser l’existence d’une fraude ?
Cette difficulté n’a toutefois pas arrêté le tribunal judiciaire de Paris. Par la décision commentée du 18 décembre 2020, il a en effet considéré frauduleux les 38 dépôts des marques comportant les termes VTTAE, E-BIKE et E-VTT par la FFM et ce malgré l’absence de délégation du ministre des sports pour désigner la fédération sportive compétente en matière de cycles à assistance électrique. Il a en conséquence ordonné le transfert de 23 marques au profit de la FFC et a prononcé la nullité des 15 autres marques déposées par la FFM, faisant ainsi application du principe de la liberté de choix laissée à la victime de la fraude entre la nullité ou le transfert en pleine propriété des marques contestées (Cour de cassation, com., 1er juin 1999).
En l’espèce, le Tribunal semble avoir été convaincu du caractère frauduleux des dépôts contestés aux motifs que la FFM ne pouvait ignorer le risque de ne pas être la fédération délégataire en charge des cycles à propulsion électrique et que, malgré ce risque, elle a pris la décision de déposer plusieurs marques en lien avec cette nouvelle discipline et ce, sans pour autant les exploiter. La décision n’est donc pas à l’abri de la critique. Un appel a d’ailleurs été formé à l’encontre de la décision. Dans l’attente de l’arrêt d’appel et pour plus de détails, il est renvoyé à notre article : « Marques de la Fédération Française de Motocyclisme comportant les termes VTTAE, E-BIKE et E-VTT: des dépôts (pas si) frauduleux ? », RLDI, février 2021, par X. Près.