Pour la deuxième fois en moins de six mois, la Cour de cassation interroge par voie de question préjudicielle la Cour de justice de l’Union européenne sur la notion de déceptivité d’une marque (Cour de cassation, com., 5 juin 2024, n°22-11.499).
Par l’arrêt attaqué, la cour d’appel de Paris a prononcé la nullité des marques françaises <FAURÉ LE PAGE 1717> déposées en 2009 par la société Fauré Le Page en raison de leur caractère trompeur. Selon la cour d’appel, la tromperie résulterait de l’utilisation du nombre 1717. Ce nombre ferait référence à la date de création de la Maison Fauré Le Page, qui amènerait ainsi le public à croire à tort que la société Fauré Le Page aurait continué l’activité de la première depuis 1717 et bénéficierait de son savoir-faire, gage, dans l’esprit du public concerné, de qualité des produits sur lesquels ces marques sont apposées. La cour a retenu en outre que l’information erronée ainsi véhiculée est susceptible d’influencer la décision d’achat du consommateur moyen d’articles de maroquinerie de luxe, tels ceux commercialisés par la société Fauré Le Page, dèslors que ce dernier attache de l’importance à l’histoire et à l’ancienneté de l’entreprise qui les commercialise.
La société Fauré Le Page soutient que, pour être considérée comme déceptive, la marque doit être de nature à tromper le consommateur, non sur l’entreprise, mais sur la nature et les caractéristiques des produits ou des services désignés à l’enregistrement.
Cependant, la Cour de cassation considère, en substance, que le caractère déceptif d’une marque ne se limite pas à un message trompeursur les seules caractéristiques du produit ou du service mais peut concerner les caractéristiques de l’entreprise titulaire de la marque elle-même, et en particulier son ancienneté.
Compte tenu d’une hésitation sur l’interprétation de la notion de marque déceptive, la Cour de cassation a décidé d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne et lui a posé plusieurs questions préjudicielles – la première d’entre elles, dans les termes suivants : « L’article 3, paragraphe 1, sous g), de la directive n°2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques doit-il être interprété en ce sens que la mention d’une date de fantaisie dans une marque communiquant une information fausse sur l’ancienneté, le sérieux et le savoir-faire du fabricant des produits et, partant,sur une des caractéristiques non matérielles desdits produits, permet de retenir l’existence d’une tromperie effective ou un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur ?
Réponse à suivre ; la saga « Fauré Le Page » est loin d’être finie…