La marque tridimensionnelle est-elle une marque comme les autres ?
A l’instar des marques verbale, figurative, semi-figurative ou encore sonore, une marque tridimensionnelle peut être déposée à titre de marque et bénéficier de cette protection spécifique dès lors qu’elle est licite, disponible, susceptible d’une représentation graphique et distinctive.
Le caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle s’apprécie selon les mêmes critères que ceux applicables aux autres catégories de marques. On sait qu’une marque est distinctive lorsqu’elle permet au consommateur d’identifier l’origine du produit ou du service sur lequel elle est apposée. Toutefois, parce que la marque tridimensionnelle est constituée par l’apparence du produit lui-même et que les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, il est traditionnel de considérer que « seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition » (arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C 136/02 P, EU:C:2004:592, point 31).
En l’espèce, Guerlain a déposé le 17 septembre 2018 la forme de l’un de ses tubes de rouge à lèvres « Rouge G de Guerlain » auprès de l’EUIPO pour désigner des produits de « rouges à lèvres » en classe 3. L’office européen a rejeté cette demande de marque de l’Union européenne le 21 août 2019 au motif que la forme du tube de rouge à lèvres n’est pas distinctive au sens de l’article 7, § 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017. Cette décision a été confirmée par la première chambre de recours de l’EUIPO le 2 juin 2020 au motif que « la marque en question ne divergerait pas suffisamment et encore moins « de manière significative » des normes et des habitudes du secteur ». Le 14 juillet 2021, le Tribunal de l’Union européenne a annulé cette décision, validant ainsi l’enregistrement du tube de rouge à lèvres « Rouge G de Guerlain » en tant que marque de l’Union européenne tridimensionnelle.
Le Tribunal a considéré en effet que la forme faisant l’objet de ladite marque diverge « de manière significative de la norme et des habitudes du secteur concerné » en ce qu’elle ne présente pas une forme cylindrique, mais celle d’une coque de bateau ou d’un couffin, qu’elle ne présente aucun angle droit et qu’à l’inverse de toutes les autres formes de rouge à lèvres existant sur le marché́, elle ne permet pas de positionner le produit concerné de manière verticale, le tube de rouge à lèvres ne pouvant tenir débout. Il a néanmoins fallu, pour aboutir à la validité de cette marque, trois ans de procédure.