TARTUFFE & DROIT D’AUTEUR

« Le Tartuffe ou l’hypocrite », adaptation restituée en trois actes du « Tartuffe » de Molière est un « travail fidèle de restitution de l’œuvre d’origine, excluant tout apport créatif portant l’empreinte de sa personnalité, qui aurait dénaturé la pièce » ; partant, elle ne saurait être protégée au titre du droit d’auteur (TJ Paris 27 mars 2024, n°22/12202).

L’affaire a été largement médiatisée : elle opposait un professeur émérite de littérature française, spécialiste de Molière, auteur (avec une autre professeure) d’un texte en trois actes intitulé « Le Tartuffe ou l’hypocrite » et qui constituait selon lui la version la plus proche possible de ce qu’a dû être la version d’origine du « Tartuffe » de Molière, à la Comédie Française pour l’avoir exploitée sans son autorisation (au théâtre et lors de diffusions de ces dernières au cinéma).

Les auteurs ont été déboutés de leurs demandes au motif qu’ils ne sauraient « prétendre à la protection de la pièce « Le Tartuffe ou l’hypocrite » par le droit d’auteur », faute de rapporter la preuve de l’originalité de l’adaptation litigieuse. Le Tribunal observe à cet égard dans sa décision du 27 mars 2024 qu’il résulte de ces éléments que Georges Forestier « décrit le travail qu’il a réalisé, à la manière d’un scientifique, en cherchant à reconstruire l’œuvre originale de Molière » et que « si le tribunal constate que des modifications minimes et des suppressions ont été réalisées, elles ne résultent que de choix contraints par l’objectif poursuivi (…) visant à reconstruire l’œuvre originelle ». Le Tribunal s’appuie sur les écrits et déclarations du spécialiste pour observer qu’« il ne s’agissait pas pour lui de créer une adaptation originale de l’œuvre de Molière, mais bien de mener un travail fidèle de restitution de l’œuvre d’origine, excluant tout apport créatif portant l’empreinte de sa personnalité, qui aurait dénaturé la pièce ».

La prestation de Georges Forestier est ainsi réduite à une prestation purement technique, la fidélité recherchée à l’œuvre initiale excluant toute originalité. La solution est sévère, mais pas inédite. Dix ans auparavant, le même tribunal avait déjà eu l’occasion de refuser d’accorder la protection par le droit d’auteur à des travaux de reconstitution de textes médiévaux au motif que « le savant qui va retranscrire un texte ancien dont le manuscrit original a disparu, à partir de copies plus ou moins nombreuses, (…) ne cherche pas à faire œuvre de création mais de restauration et de reconstitution et (…) tend à établir une retranscription la plus fidèle possible du texte médiéval, en mobilisant ses connaissances dans des domaines divers » (TGI Paris 27 mars 2014). Georges Forestier est décédé quelques jours après la décision, le 18 avril dernier.

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