VOL & PROPRIÉTE D’UN TABLEAU : L’exercice du droit de revendication sur un bien meuble contre un tiers acquéreur de bonne foi est enfermé dans un délai préfix de trois ans à compter de la perte ou du vol (Cour de cassation, crim. 26 janvier 2022, n° 20-86.776).
L’arrêt de la chambre criminelle du 26 janvier 2022 vient rappeler les effets de l’article 2276 du code civil. Son premier alinéa dispose que : « En fait de meubles, la possession vaut titre ». Et l’alinéa 2 précise que : « Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient ». En cas de vol, le délai pour revendiquer la chose perdue ou volée est donc de trois ans à compter du jour de la perte ou du vol et ce, à peine de forclusion. Ce délai de trois ans n’est toutefois opposable que par le possesseur de bonne foi, étant précisé que la bonne foi s’apprécie au moment où le possesseur a pris possession du meuble, peu importe qu’il apprenne ultérieurement l’absence de propriété de son auteur (Civ. 1re, 27 nov. 2001, aff. du bronze de Camille Claudel).
En l’espèce, le litige opposait le vendeur d’un tableau qui l’avait proposé à une vente aux enchères avant que l’œuvre ne soit placée sous scellé dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte du chef de recel de vol. Acheté en août 1994 auprès d’une galerie par le vendeur, le tableau avait en effet été dérobé quelques semaines plus tôt en février 1994. Le propriétaire initial a alors sollicité et obtenu la restitution du tableau. Le vendeur a contesté cette mesure et a, à son tour, sollicité la restitution du tableau, ce qui lui a été refusé par décision de la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris le 24 novembre 2020 confirmant le refus de restitution du bien saisi pris par le Procureur de la République. Le vendeur a contesté cette décision. Par arrêt du 26 janvier 2022, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel au motif que la Cour d’appel n’avait pas répondu « au mémoire du demandeur faisant valoir qu’il était propriétaire du tableau en application de l’article 2276 du code civil et que [le propriétaire initial] ne pouvait en revendiquer la propriété plus de trois ans après le vol ». Pour confirmer le refus de restitution, la Cour d’appel avait en effet simplement considéré que les circonstances dans lesquelles le vendeur était entré en possession du tableau étaient floues et sa bonne foi insuffisamment établie. « Sérieusement contestée », la propriété du vendeur n’avait pour autant pas été tranchée par la Cour d’appel. Sa décision est donc logiquement cassée et annulée. Il appartiendra donc à une autre juridiction de trancher la question. Affaire à suivre donc, étant toutefois précisé que le délit de recel de vol reproché en l’occurrence au vendeur n’a pas été considéré comme suffisamment établi pour justifier des poursuites devant une juridiction pénale…