FLASH ACTUALITÉ JURIDIQUE : Marché unique numérique : dernier acte de la transposition en droit français de la directive 2019/790 droits d’auteur et droits voisins (Ordonnance n° 2021-1518 du 24 novembre 2021)

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L’ordonnance n° 2021-1518 du 24 novembre 2021 vient parachever la transposition de la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.

L’ordonnance scelle ainsi le processus de transposition en droit français de cette directive qui aura ainsi nécessité pas moins de trois étapes  :

  • 1er acte : c’est d’abord le nouveau droit voisin reconnu aux éditeurs et agences de presse (art. 15 de la directive) qui a été transposé en droit français par la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 ;
  • 2e acte : c’est ensuite le nouveau régime de responsabilité des plateformes de contenus en ligne protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin (article 17 de la directive) qui a été transposé en droit français par l’ordonnance n° 2021-580 du 12 mai 2021 en même temps que les dispositions portant sur la juste rémunération des auteurs et des artistes interprètes ou exécutants dans le cadre des contrats d’exploitation (articles 18 à 23 de la directive) ;
  • 3e et dernier acte : avec l’ordonnance n° 2021-1518 du 24 novembre 2021 ce sont enfin les dernières dispositions de la directive qui sont transposées en droit français alors que l’échéance était fixée au 7 juin 2021.

L’ordonnance envisage d’abord les nouvelles exceptions aux droits patrimoniaux d’auteur, titulaires de droits voisins et producteurs de bases de données. La directive prévoyait 4 exceptions qui sont en partie seulement transposées en droit français dès lors que ce dernier comportait déjà des dispositions semblables à celles prévues par la directive :

  • Les deux premières exceptions concernent le data mining ou exception de fouilles de textes et de données. La première exception « à des fins de recherche scientifique » (article 3 de la directive) existant déjà en droit français, la transposition en étend le bénéfice aux organismes de recherche et aux institutions du patrimoine culturel (et pas seulement au bénéfice de la recherche publique) et renvoie à une charte des bonnes pratiques afin d’en faciliter la mise en œuvre. La seconde exception de data mining « sans finalité scientifique » (article 4) n’ayant pas d’équivalent en droit français, y a été intégrée avec sa particularité résidant dans son caractère optionnel, cette dernière exception n’étant applicable que « sous réserve que le titulaire des droits n’ait pas exprimé son opposition ». Ces deux exceptions concernent les droits patrimoniaux des auteurs (y compris de logiciels), des titulaires de droits voisins et ceux des producteurs de bases de données.
  • L’exception de pédagogie (article 5 de la directive). Cette exception existant déjà en droit français, sa transposition vient préciser que sa mise en œuvre peut être écartée, en totalité ou pour certaines catégories d’œuvres, dès lors qu’existent des licences autorisant les actes visés par l’exception. Ces licences doivent répondre aux besoins et spécificités des établissements d’enseignement et être d’accès aisé pour ces derniers. L’exception est applicable aux droits patrimoniaux des auteurs (y compris de logiciels), des titulaires de droits voisins et des producteurs de bases de données.

  • L’exception de conservation du patrimoine culturel (article 6 de la directive). Cette exception existait déjà en droit français pour les droits patrimoniaux des auteurs et des titulaires de droits voisins ; la transposition l’étend à ceux des auteurs de logiciels et des producteurs de bases de données.

L’ordonnance transpose ensuite les articles de la directive portant sur les œuvres et autres objets protégés indisponibles dans le commerce (articles 8 à 11). Un nouveau dispositif est ainsi instauré afin de permettre aux institutions du patrimoine culturel, comme les bibliothèques, les musées et les archives, de numériser et de diffuser, y compris en ligne et par-delà les frontières dans l’Union européenne, des œuvres dont elles disposent mais qui sont indisponibles dans le commerce. L’œuvre indisponible est définie comme l’« œuvre protégée dont on peut présumer de bonne foi, au terme d’efforts raisonnables d’investigation, qu’elle n’est pas disponible pour le public par le biais des circuits de distribution commerciaux habituels et dont la première publication ou communication au public remonte à trente ans ou plus ». Ce nouveau dispositif est assuré par voie de licences, applicables aux droits patrimoniaux des auteurs, mais aussi des titulaires de droits voisins et des producteurs de bases de données.

L’ordonnance transpose enfin en droit français le nouveau dispositif, qui était simplement facultatif, concernant l’octroi de licence collectives étendues (spéc. article 12 de la directive). Ce dispositif novateur permet à un organisme de gestion collective (OGC) de représenter non seulement les membres mais aussi des titulaires de droits non adhérents. La transposition en droit français de ce mécanisme est entourée de garanties telles que le caractère représentatif de l’OGC concerné, la mise en place de mesures de publicité pour informer les ayants droit de l’existence du système de licences étendues ainsi que de la possibilité d’en sortir. De plus, le recours aux licences étendues n’est possible que dans les cas où l’exercice individuel et la gestion collective classique ne permettent pas d’apporter des réponses satisfaisantes au regard de l’ampleur de l’utilisation des œuvres. Le dispositif n’est enfin applicable que dans certains cas, dont (i) l’exploitation d’œuvres sous une forme numérique à des fins d’illustration dans le cadre de l’enseignement, (ii) l’exploitation des œuvres des arts visuels par les plateformes de partage de contenus ainsi que (iii) dans le cadre des travaux scientifiques publiés de manière ouverte sur internet.

Bien que complétée d’un rapport au Président de la République, l’ordonnance du 24 novembre 2021 est d’une lecture peu aisée. Sa mise en œuvre ne le sera pas moins. A la pratique désormais de s’en emparer.

Rappelons enfin pour une analyse article par article de la directive, l’ouvrage auquel nos deux associés ont contribué : Directives 2019/790 et 2019/789 sur le droit d’auteur dans le marché numérique, sous la direction de Nicolas Binctin et Xavier Près, Bruylant, janvier 2021.

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