CONTREFAÇON & DESTRUCTION D’UNE OEUVRE D’ART

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CONTREFAÇON & DESTRUCTION D’UNE ŒUVRE D’ART : destruction de deux dessins de Modigliani jugés contrefaisants et apposition d’une mention « reproduction » sur un tableau faussement attribué à Chagall de préférence à sa destruction (Cour de cassation, 1e civ., 24 novembre 2021, n° 19-19.942 ; Cour de cassation, crim., 3 novembre 2021, n° 01279, Q 21-81.356 et Cour de cassation, crim, 11 août 2021, n° 21-81.356).

La destruction est l’une des mesures qui peut être ordonnée par le juge, civil ou pénal, afin de faire sanctionner des agissements contrefaisants. La sanction est radicale, spécialement lorsqu’elle porte sur une œuvre d’art jugée contrefaisante.

Or c’est précisément cette destruction qui a fait l’objet de débats dans deux affaires récentes concernant des œuvres contrefaisantes, faussement attribuées à deux artistes célèbres : Modigliani pour la première affaire et Chagall pour la seconde. La Cour de cassation s’est d’abord prononcée par arrêt de sa chambre criminelle du 3 novembre 2021 sur deux dessins contrefaisants de Modigliani (Cour de cassation, crim., 3 novembre 2021, n° 01279, Q 21-81.356). Quelques jours après, c’est la chambre civile de la Cour de cassation qui a statué par arrêt du 24 novembre 2021 sur un tableau faussement attribué à Chagall (Cour de cassation, 1e civ., 24 novembre 2021, n° 19-19.942). Rendues à quelques jours d’intervalle par deux formations distinctes, ces deux décisions de la Cour de cassation sont d’autant plus intéressantes que les solutions dégagées en appel étaient dans ces deux affaires radicalement opposées : les dessins de Modigliani comme le tableau de Chagall ont tous été jugés contrefaisants, mais tandis que la destruction des dessins de Modigliani a été ordonnée, cette destruction a été refusée aux représentants de Chagall, la Cour d’appel lui ayant préféré l’apposition d’une mention « reproduction » au dos du tableau. Pour autant, aucun de ces arrêts n’a été censuré par la Cour de cassation.

Malgré des solutions opposées dans leurs effets, les chambres civile et criminelle de la Cour de cassation semblent toutefois converger vers une position commune pouvant être résumée en substance sous les quatre énoncés suivants : (i) la mesure ordonnant la destruction d’une œuvre jugée contrefaisante ne porte pas en soi atteinte au droit de propriété corporelle existant sur le support d’une œuvre, (ii) une telle mesure est conforme aux libertés et droits fondamentaux posés par la Convention européenne des droits de l’homme, (iii) dès lors toutefois qu’elle est appliquée de manière proportionnée par les juges du fond, (iv) lesquels disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation quant au choix de la sanction adéquate. La mesure de destruction d’une œuvre contrefaisante telle que prévue par le droit français a donc été confrontée à l’occasion de ces deux affaires au droit de propriété tel que prévu par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et y a résisté dès lors qu’elle est appliquée de manière proportionnée.

Conforme à la Convention européenne des droits de l’homme, la mesure de destruction est également conforme au droit de propriété portant sur l’objet corporel tel que reconnu par la Constitution française. A l’occasion de l’affaire Modigliani, la Cour de cassation a en effet été saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité, ainsi libellée : « Les dispositions des alinéas 2 et 3 de l’article L. 335-6 du code de la propriété intellectuelle violent-elles le droit constitutionnel de propriété, en portant à ce droit une atteinte disproportionnée au but de punir la contrefaçon, en ce qu’elles permettent la confiscation et la destruction des objets contrefaisants ». Par arrêt du11 août 2021, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que « la question n’est pas nouvelle » et « ne présente pas un caractère sérieux ». Par voie de conséquence, la QPC n’a pas été renvoyée au Conseil constitutionnel (Cour de cassation, crim, 11 août 2021, n° 21-81.356). La Cour de cassation a en effet considéré que le prononcé de mesures de confiscation et de destruction « ne constitue qu’une faculté pour le juge qui en apprécie la nécessité au regard de la gravité concrète des faits reprochés, de la situation personnelle du prévenu et de l’ensemble des peines et mesures prévues par la loi ». Et d’ajouter que « ces peines sont justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi qui est de garantir, pour l’avenir, que ces objets seront définitivement écartés de tout circuit commercial qui serait de nature à compromettre de nouveau les droits de propriété intellectuelle méconnus par l’auteur du délit durant le temps de la prévention ».

Pour une analyse détaillée, lire l’article « Détruire ou ne pas détruire une œuvre contrefaisante : telle est la question », Légipresse, février 2022, par Xavier Près.

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VOL & PROPRIÉTÉ D’UN TABLEAU

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VOL & PROPRIÉTE D’UN TABLEAU : L’exercice du droit de revendication sur un bien meuble contre un tiers acquéreur de bonne foi est enfermé dans un délai préfix de trois ans à compter de la perte ou du vol (Cour de cassation, crim. 26 janvier 2022, n° 20-86.776).

L’arrêt de la chambre criminelle du 26 janvier 2022 vient rappeler les effets de l’article 2276 du code civil. Son premier alinéa dispose que : « En fait de meubles, la possession vaut titre ». Et l’alinéa 2 précise que : « Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient ». En cas de vol, le délai pour revendiquer la chose perdue ou volée est donc de trois ans à compter du jour de la perte ou du vol et ce, à peine de forclusion. Ce délai de trois ans n’est toutefois opposable que par le possesseur de bonne foi, étant précisé que la bonne foi s’apprécie au moment où le possesseur a pris possession du meuble, peu importe qu’il apprenne ultérieurement l’absence de propriété de son auteur (Civ. 1re, 27 nov. 2001, aff. du bronze de Camille Claudel).

En l’espèce, le litige opposait le vendeur d’un tableau qui l’avait proposé à une vente aux enchères avant que l’œuvre ne soit placée sous scellé dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte du chef de recel de vol. Acheté en août 1994 auprès d’une galerie par le vendeur, le tableau avait en effet été dérobé quelques semaines plus tôt en février 1994. Le propriétaire initial a alors sollicité et obtenu la restitution du tableau. Le vendeur a contesté cette mesure et a, à son tour, sollicité la restitution du tableau, ce qui lui a été refusé par décision de la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris le 24 novembre 2020 confirmant le refus de restitution du bien saisi pris par le Procureur de la République. Le vendeur a contesté cette décision. Par arrêt du 26 janvier 2022, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel au motif que la Cour d’appel n’avait pas répondu « au mémoire du demandeur faisant valoir qu’il était propriétaire du tableau en application de l’article 2276 du code civil et que [le propriétaire initial] ne pouvait en revendiquer la propriété plus de trois ans après le vol ». Pour confirmer le refus de restitution, la Cour d’appel avait en effet simplement considéré que les circonstances dans lesquelles le vendeur était entré en possession du tableau étaient floues et sa bonne foi insuffisamment établie. « Sérieusement contestée », la propriété du vendeur n’avait pour autant pas été tranchée par la Cour d’appel. Sa décision est donc logiquement cassée et annulée. Il appartiendra donc à une autre juridiction de trancher la question. Affaire à suivre donc, étant toutefois précisé que le délit de recel de vol reproché en l’occurrence au vendeur n’a pas été considéré comme suffisamment établi pour justifier des poursuites devant une juridiction pénale…

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NFT Art, quelles sanctions en cas de contrefaçon (2/2), Club des juristes, par Vincent Varet et Xavier Près, février 2022

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Vincent Varet et Xavier Près ont décrypté pour le Club des juristes l’affaire des “MetaBirkin” opposant Hermès à l’artiste Mason Rothshild. Leur contribution a été publiée sur le blog du Club des juristes

L’article est en deux parties. La 2e partie est à lire ici ou ci-dessous.

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NFT Art, quelles sanctions en cas de contrefaçon ? (2/2)

A la suite de leur analyse quant à l’éventuelle violation des droits de propriété intellectuelle d’Hermès par la commercialisation de sacs « MetaBirkins », œuvres numériques, Vincent Varet et Xavier Près expliquent les conséquences d’une telle contrefaçon en droit français.

Que risquerait l’artiste Mason Rothschild si l’action en contrefaçon avait été engagée sous l’empire du droit français ?

La contrefaçon désigne toute violation d’un droit de propriété intellectuelle, qu’il s’agisse de droits d’auteur ou de marque. Les textes concernés sont différents, mais les sanctions similaires.

La contrefaçon est un délit sanctionné civilement et pénalement par un arsenal fourni : dommages et intérêts, peines de prison pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende en cas de contrefaçon de droit d’auteur, contre quatre ans et 400 000 € d’amende en cas de contrefaçon de marque. Ces peines sont portées jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende lorsque le délit est commis en bande organisée ou, lorsque la contrefaçon de marque a lieu « sur un réseau de communication au public en ligne » ou porte « sur des marchandises dangereuses pour la santé, la sécurité de l’homme ou l’animal ».

D’autres sanctions sont également applicables, dont l’affichage de la décision de condamnation, sa publication dans les journaux, le retrait des objets contrefaisants des circuits commerciaux ou encore leur confiscation, leur destruction, le tout aux frais du contrefacteur et sous astreinte le cas échéant, ainsi que la cessation de toute activité contrefaisante, sous astreinte également pour mieux assurer l’efficacité de la mesure. Cette liste n’est pas exhaustive et ces sanctions sont également applicables aux personnes morales pour lesquelles se déclinent d’autres sanctions : dissolution, fermeture, provisoire ou définitive, de l’établissement, etc.

Les sanctions de Mason Rothschild pourraient donc être très lourdes et aller jusqu’à la confiscation ou la destruction des sacs « MetaBirkin » dès lors qu’ils seraient jugés comme contrefaisants. Néanmoins cette destruction ne concernerait que les fichiers numériques de ces sacs eux-mêmes, et non les NFT associés et certifiant leur « authenticité » ; en effet, ces derniers ne pourront pas être détruits, car enregistrés définitivement dans la blockchain. Faute d’être associés à un contenu numérique, les NFT devraient alors logiquement perdre toute valeur marchande, y compris en crypto-monnaie. La solution pourrait toutefois être différente avec les nouveaux procédés techniques permettant d’enregistrer le fichier numérique dans la blockchain…

Et aux Etats Unis, quelles pourraient être les sanctions en cas de contrefaçon ?

Les sanctions ordonnées par les juridictions nord-américaines risquent d’être beaucoup plus lourdes, spécialement s’agissant des dommages et intérêts, dont les montants sont en règle générale substantiellement plus élevés qu’en France. Les frais de justice, spécialement les honoraires d’avocats, y sont aussi supérieurs. Il faudra en l’occurrence attendre encore plusieurs mois avant de connaitre le montant des dommages et intérêts auxquels pourrait être condamné l’artiste Mason Rothschild. Mais l’addition risque d’être salée : Hermès rappelle au soutien de sa demande notamment qu’en 2016, le Time a qualifié le sac à main Birkin de « meilleur investissement que l’or » (« a Better Investment Than Gold ») et que le premier NFT « MetaBirkin » a été vendu en décembre 2021 pour un coût de 10 Ether, soit plus de 42 000 USD, et qu’au 6 janvier 2022, le volume total des ventes a dépassé 1,1 million de dollars.

L’artiste Mason Rothschild invoque son droit à la liberté d’expression sur le fondement du 1er amendement de la Constitution des États-Unis. Qu’en serait-il en droit français et européen ?

Lorsque la liberté d’expression est invoquée en droit français, il faut raisonner au niveau européen. En effet, cette liberté fondamentale est protégée dans l’ordre juridique de l’Union européenne par l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux, et dans l’ordre juridique du Conseil de l’Europe par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Les deux textes sont identiques, le premier étant inspiré du second. Néanmoins, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) et la Cour Européenne des droits de l’homme (CEDH) ont des analyses légèrement différentes des rapports entre liberté d’expression et droit d’auteur.

Cependant, ces divergences ne devraient pas modifier la solution de notre litige virtuel.

A raisonner, d’abord, sur le fondement de la Charte et de son interprétation par la CJUE, la liberté d’expression (de Mason Rothschild) ne peut constituer une limite au droit d’auteur (d’Hermès). Selon la CJUE, en effet, la législation sur le droit d’auteur, en déterminant les exceptions à ce droit, mais aussi en le limitant dans le temps (s’agissant des droits patrimoniaux), a créé un équilibre entre liberté d’expression et droit d’auteur, qui ne saurait être remis en cause par des restrictions non prévues par le législateur européen. En revanche, la CJUE admet que les exceptions au droit d’auteur fondées sur la liberté d’expression soient interprétées conformément à leur finalité et de manière à leur conférer toute leur portée. Les exceptions au droit d’auteur fondées sur la liberté d’expression, telles que la parodie ou l’exception de citation, doivent ainsi être interprétées de manière à assurer pleinement le jeu de cette liberté. Dans le cas des « meta-Birkin », on ne voit pas quelle exception au droit d’auteur fondée sur la liberté d’expression, même interprétée extensivement, permettrait de justifier la reproduction sans autorisation de la forme du sac Birkin d’Hermès. L’argument de la liberté d’expression ne devrait ainsi être d’aucun secours à Mason Rothschild.

A raisonner, ensuite, selon la Convention européenne des droits de l’homme telle qu’interprétée par la CEDH, le résultat ne devrait pas être différent. L’éventuelle condamnation de Mason Rothschild pour contrefaçon de droit d’auteur s’analyserait indiscutablement comme une restriction à sa liberté d’expression et la CEDH vérifierait alors si cette restriction prévue par la loi et qui poursuit un but légitime (la protection du droit d’auteur), est proportionnée à ce but.  Dans l’affirmative, cette restriction à la liberté d’expression (de Mason Rothschild) serait considérée comme justifiée, sur le fondement de l’article 10.2 de la Convention. L’appréciation de cette proportionnalité serait alors menée in concreto, au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

Au regard de critères élaborés par la CEDH pour opérer la balance des intérêts entre liberté d’expression et droit d’auteur, il est probable que la Cour de Strasbourg jugerait que la condamnation pour contrefaçon de droit d’auteur commise par Mason Rothschild n’est pas disproportionnée par rapport au but légitime de protection du droit d’auteur qu’elle poursuit. La CEDH pourrait notamment tenir compte du caractère commercial de la démarche de Mason Rothschild, par opposition à un discours politique ou une démarche d’intérêt général. Cette condamnation serait ainsi considérée comme nécessaire à la préservation de l’objet spécifique ou de la fonction essentielle du droit d’auteur et constituerait une restriction justifiée à la liberté d’expression.

Quoiqu’il n’en n’existe pas d’exemple, le raisonnement en droit des marques ne devrait pas être très différent : on imagine mal, au vu des textes et de leur interprétation par les deux Cours européennes, que ces dernières admettent la mise à l’écart du jeu « normal » du droit des marques sur le fondement de la liberté d’expression.

Les NFT et les metavers ne sont donc pas un nouveau far-west échappant au droit : dans le monde virtuel comme dans le monde réel, il n’est pas de liberté sans limites, constituées notamment par les droits d’autrui – principe de base de la vie en société. « Art is art », a écrit Mason Rothschild sur les réseaux sociaux. Il n’est pas certain que cette déclaration performative suffise à lui éviter une condamnation…

 

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Online gambling, interview, Rhadamès Killy, 2022

Rhadamès Killy shared his experience on the regulation of online gambling by answering a few questions as a “white paper” is being prepared in the UK Parliament.

As former general counsel for ARJEL, the French online gambling regulatory authority, Rhadamès is regularly asked about these issues.

Read the full article here

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Jeux en ligne, interview de Rhadamès Killy, février 2022

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Rhadamès Killy, a fait part de son expérience sur la régulation des jeux en ligne en répondant à quelques questions alors qu’un “white paper” est en préparation au Parlement britannique.

Ancien directeur juridique de l’ARJEL, l’autorité française de régulation des jeux en ligne, Rhadamès est régulièrement sollicité sur ces sujets.

L’article complet à lire ici

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NFT Art, de la création… à la contrefaçon (1/2), par Vincent Varet et Xavier Près, février 2022

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Vincent Varet et Xavier Près ont décrypté pour le Club des juristes l’affaire des “MetaBirkin” opposant Hermès à l’artiste Mason Rothshild. Leur contribution a été publiée sur le blog du Club des juristes

L’article est en deux parties. La 1ère partie est à lire ici ou ci-dessous.

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NFT ART, de la création… à la contrefaçon (1/2)

L’artiste Mason Rothschild a créé et commercialisé initialement sur la plateforme OpenSea une collection de « 100 NFT uniques » représentant des sacs en fourrure numériques dont le design et le nom « MetaBirkin » sont inspirés des sacs iconiques « Birkin » commercialisés par la maison de luxe Hermès. Aucune autorisation n’a été donnée par Hermès, ni s’agissant de l’utilisation de la forme du célèbre sac, ni du nom « Birkin » par ailleurs protégé à titre de marque. Considérant, par conséquent, qu’il s’agit d’une atteinte à ses droits de propriété intellectuelle, Hermès a engagé une procédure judiciaire sur le territoire américain, après avoir sollicité et obtenu de la plateforme OpenSea la cessation des agissements litigieux. L’artiste n’a pas pour autant été découragé et a continué à exploiter les NFT, notamment sur la plateforme Rarible.

Sans préjuger l’existence d’une contrefaçon, et ce d’autant plus que l’action a été engagée aux États-Unis sur le fondement du droit local (V. requête déposée le 14 janvier 2022, United States District Court Southern District of New York, case 1 :22-cv-00384), on peut analyser la situation juridique en l’appréciant au regard du droit français (d’autres, similaires, ne sauraient tarder à apparaître en France).

Les NFT Art sont-ils soumis à une réglementation spécifique en droit français ?

Aucune réglementation spécifique n’existe à ce jour. Pour autant, les NFT et les créations numériques associées, créées ou non dans les univers numériques parallèles (ou métavers), n’échappent pas aux règles générales et particulières existantes, notamment celle du droit de la propriété intellectuelle. Contrairement à une vieille légende, qui persiste au moins depuis les premiers temps d’internet, l’apparition d’une nouvelle technique n’est pas synonyme de vide juridique : le droit, comme la nature, a horreur du vide. Les règles qui le composent s’adaptent aux évolutions technologiques. Le droit d’auteur en est une parfaite illustration. Il n’a eu de cesse d’appréhender des innovations techniques postérieures à son élaboration : jadis confronté aux inventions de la photographie, du cinématographe, du phonographe, de la radiodiffusion, de la télévision, il s’est ensuite adapté aux programmes d’ordinateur, aux bases de données, et plus récemment au réseau Internet. Il doit désormais appréhender les NFT et les métavers. Ce qu’il peut faire sans difficulté majeure : le droit d’auteur est pour l’essentiel une législation technologiquement neutre.

Les sacs « MetaBirkins » réalisés par l’artiste Mason Rothschild pourraient-ils constituer une contrefaçon au regard du droit d’auteur français ?

Au regard du droit d’auteur français, la reproduction ou l’imitation des sacs « Birkin », sans l’autorisation de la société Hermès, sera de nature à constituer le délit de contrefaçon dès lors que (i) le sac « Birkin » d’Hermès constitue une création de forme originale – ce qui fait peu de doute, et que (ii) ses caractéristiques originales essentielles ont été reproduites par l’artiste Mason Rothschild. Toute reproduction ou imitation totale ou partielle, non autorisée, d’une œuvre de l’esprit protégeable au titre du droit d’auteur constitue une contrefaçon. C’est vrai pour les créations du monde physique comme pour les créations virtuelles. L’article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle ne distingue pas ; il s’applique indifféremment aux unes comme aux autres.

Le NFT ne doit toutefois pas être confondu avec l’objet numérique auquel il est associé, soit en l’occurrence une œuvre, que celle-ci soit contrefaisante ou non. Le NFT ou « Non Fongible Token » est, selon sa traduction, un « jeton non fongible ». Il permet d’identifier l’auteur de l’œuvre (ou plus largement d’un contenu numérique quelconque) et de la rattacher à son propriétaire, grâce à un identifiant unique (V. notre article précédent, « 3 questions à Xavier Près et Vincent Varet sur les “NFT Art” », Le Club des Juristes, 26 novembre 2021, à lire ici). L’œuvre n’est donc pas le jeton (ou NFT) ; elle est, au mieux, authentifiée par le NFT. De surcroit, elle n’est pas hébergée, à la différence du NFT, dans la blockchain ; elle est le plus souvent hors chaine et se trouve « matérialisée » dans un fichier numérique.

Le contenu numérique auquel un NFT est associé n’est pas nécessairement une œuvre originale susceptible d’être protégée au titre du droit d’auteur ; il peut s’agir de n’importe quel type de contenu numérique, y compris une contrefaçon. Dans ce dernier cas, le NFT en tant que titre identifiant son propriétaire devient très utile au titulaire des droits violés, grâce à l’historique des opérations enregistrées dans la blockchain, registre décentralisé, transparent et a priori infalsifiable. Le NFT s’avère alors une arme redoutable, susceptible de se retourner contre celui qui l’a émis et qui souhaitait initialement profiter des garanties de sécurité et de transparence inhérentes à la technique de la blockchain. Le NFT associé à la blockchain apparaît donc aussi comme un outil efficace de lutte contre la contrefaçon.

Et qu’en serait-il sur le terrain de la contrefaçon de marque ?

S’agissant de la contrefaçon de marque, fondement principal invoqué par Hermès au soutien de son action engagée aux États-Unis, plusieurs observations peuvent également être formulées au regard du droit français.

Il sera ainsi d’abord observé que le signe « Birkin » a été déposé à titre de marque par la société Hermès International pour désigner notamment des « sacs à main » dans différents pays, dont la France (et les États-Unis). En droit français, l’emploi des termes « MetaBirkin » pour commercialiser des sacs à main devrait a priori constituer une contrefaçon par imitation dès lors, d’une part, qu’il s’agit bien d’un usage dans la vie des affaires (ce qui semble être le cas ici, l’artiste ayant créé une collection de « 100 NFT uniques » pour les commercialiser) et, d’autre part, que les signes en présence sont similaires et qu’il en est de même des produits qu’ils servent à désigner, dont la seule différence semble être que les uns constituent des biens matériels relevant du monde physique tandis que les autres sont des fichiers numériques relevant d’un univers virtuel. Le risque de confusion s’apprécie notamment au regard du principe selon lequel un faible degré de similitude entre les marques peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits ou services couverts et inversement. Or en l’occurrence, les signes comme les produits en cause sont fortement similaires.

Le terme « meta » renvoie aux univers virtuels parallèles désignés usuellement sous le vocable « metavers », contraction des termes « meta » et « univers ». Aussi et à supposer cette acception reconnue, la contrefaçon sera établie d’autant plus aisément que les signes en cause ne différeront que par ce terme descriptif des produits et services relevant des metavers. Autrement dit, le terme « meta » ne devrait pas avoir d’impact significatif sur l’appréciation de la ressemblance entre les signes en présence : la comparaison portera principalement sur le terme « Birkin », dominant au sein de ces deux signes. Ainsi peut-on comparer avec la jurisprudence bien établie relative aux signes constitués d’un suffixe correspondant à une extension internet de nom de domaine, selon laquelle une telle extension « n’est pas de nature à modifier la perception du signe » (Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Ch. 2, arrêt du 22 septembre 2017, aff. « France.com »).

La commercialisation de sacs « MetaBirkin », fussent-ils associés à un NFT, sur une marketplace, sans autorisation du titulaire de la marque « Birkin », devrait donc dans ces conditions relever de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle qui interdit « sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services (…) 2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque ». Les textes français du Code de la propriété intellectuelle sont rédigés, y compris s’agissant du droit des marques, de manière suffisamment large pour appréhender les agissements de l’artiste Mason Rothschild.

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Métavers : la réalité virtuelle et le droit d’auteur en ordre de bataille, BLIP!, janvier 2022, par Xavier Près

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Métavers : la réalité virtuelle et le droit d’auteur en ordre de bataille, BLIP!, janvier 2022, par Xavier Près

L’article est aussi à lire sur BLIP!, le blog de la propriété intellectuelle édité par le CEIPI, Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle

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Alors que les métavers restent à inventer, les géants de l’industrie numérique préparent déjà leurs armes. Et la bataille s’annonce féroce. En octobre dernier, Facebook a annoncé changer le nom de sa maison mère pour devenir « Meta » et ainsi créer une nouvelle marque par une référence qui pourrait être descriptive au regard de la chose désignée (« métavers » étant la contraction de deux termes « meta » et « univers »), si elle n’était pas employée sous une forme abrégée et accompagnée d’un logo. Et dans la foulée, Mark Zuckerberg a annoncé la création de 10 000 emplois en Europe dédiés au développement de ces univers numériques parallèles.

La réponse de Microsoft n’a pas tardé : le 18 janvier 2022, la multinationale, fondée en 1975 par Bill Gates et Paul Allen alors que le patron de Facebook n’était pas encore né, a annoncé avoir racheté Activision Blizzard, géant des jeux vidéo, pour 69 milliards de dollars. A l’évidence, ce rachat s’inscrit dans une stratégie de conquête de l’économie des métavers, les jeux vidéo étant le secteur précurseur, mais aussi à ce jour de prédilection de la réalité virtuelle. Que l’on se souvienne du jeu Second Life, créé en 2003 et dont le but était d’offrir une deuxième vie numérique à ses utilisateurs. 69 milliards de dollars pour le rachat d’Activision Blizzard ! La somme est astronomique ; elle constituerait un montant record pour le secteur… jusqu’à la prochaine annonce. Car nul doute que d’autres géants de l’industrie numérique vont rapidement venir se mêler à la bataille.

Cet engouement économique pour les mondes virtuels a déjà ses implications juridiques. Alors qu’aucun cadre juridique n’a encore été fixé, les juristes ont d’ores et déjà commencé à modifier leurs pratiques pour mieux anticiper ces évolutions. Ainsi, en droit d’auteur, il est déjà fréquent d’insérer dans les contrats de cession de droits d’auteur des mécanismes de nature à permettre au cessionnaire une exploitation des créations y compris pour une utilisation dans ces futurs métavers.

En soi, le mécanisme est simple ; il consiste à insérer dans le contrat de cession de droits d’auteur, une clause de cession prévoyant le droit d’adapter, de produire et d’exploiter la création en cause dans un ou plusieurs univers virtuels et de compléter la clause de cession par une rémunération, par principe proportionnelle, par exception forfaitaire, au profit de l’auteur. En pratique, la rédaction sera toutefois plus ardue dès lors qu’il sera rappelé que le Code de la propriété intellectuelle impose, s’agissant du moins des cessions consenties par l’auteur, de détailler de manière exhaustive, chacun des modes d’exploitations des droits cédés en application de l’article L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelle. A défaut d’une mention expresse dans le contrat, l’exploitant cessionnaire ne sera pas pour autant démuni, sous réserve toutefois que son contrat précise expressément que la cession est également applicable à une exploitation « de l’œuvre sous une forme non prévisible ou non prévue à la date du contrat » et qu’il est stipulé « une participation corrélative aux profits d’exploitation » conformément à l’article L. 131-6 du Code de la propriété intellectuelle.

Simples et d’ores et déjà d’usage, ces clauses de cession de droits d’auteur ne posent pas en soi de difficultés particulières. Selon la façon dont elles seront rédigées et, le cas échéant, complétées ou non d’un dispositif permettant d’anticiper des évolutions techniques « non prévisibles ou non prévues à la date du contrat », pour reprendre les dispositions légales précitées, elles donneront lieu à des discussions, voire à des batailles judiciaires. Le droit est un outil, y compris dans le cadre de batailles économiques.

Mais les annonces récentes de Facebook, puis de Microsoft invitent à d’autres réflexions. A vrai dire, elles sont aussi nombreuses que le sujet des métavers est encore à ce stade inépuisable, faute d’être encore précisément circonscrit. Sans céder aux conjectures, ni prétendre à une quelconque exhaustivité que la brièveté de ces quelques lignes ne permet pas, y compris en droit d’auteur, il peut être raisonnablement posé que les métavers seront composés d’une multitude d’œuvres de l’esprit. Celles-ci devraient y être innombrables et aussi variées que celles visées à l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle : textes, musiques, images, vidéos, œuvres graphiques et plastiques, logiciels, plans, croquis et ouvrages d’architecture, etc. Elles ne devraient pas non plus se réduire à cette liste, laquelle n’est au demeurant pas exhaustive. Le génie humain est inépuisable ; c’est vrai dans le monde réel, cela devrait l’être tout autant appliqué aux métavers.

Quels que soient leur genre, leur mérite, leur forme d’expression ou leur destination, les créations exploitées dans les métavers ne devraient pas échapper aux règles du droit d’auteur dès lors qu’il s’agit de créations de forme originale, originalité et forme étant les deux seules conditions d’accès à cette protection spécifique, protectrice des intérêts de l’auteur.

L’hésitation pourrait, en revanche, être permise lorsque la création virtuelle porte sur une reproduction fidèle de la réalité. Tels qu’ils sont aujourd’hui présentés, les métavers de demain sont souvent présentés comme des mondes virtuels créés à l’image de notre monde réel, la réalité virtuelle étant alors une déclinaison, plus ou moins fidèle, du réel. Dans le métavers, notre avatar numérique pourrait ainsi, par exemple, décider de se faire construire une demeure selon les plans d’une célèbre maison d’architecte existant dans la vie réelle. En ce cas, la modélisation 3D de la maison virtuelle devrait logiquement être analysée comme une simple prestation technique, insusceptible de protection par le droit d’auteur (et ce, sous réserve évidemment de respecter les droits de l’auteur, architecte du monde réel, dont les plans seraient ainsi numériquement reproduits aux fins de l’édification de la maison virtuelle dans le métavers).

Cette conclusion nous paraît toutefois trop rapide dès lors que les créations en cause nécessiteront une modélisation 3D. Car de ce procédé technique peut naître une création intellectuelle, sous réserve de caractériser l’existence de « choix libres et créatifs » pour reprendre la formule célèbre de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 3e ch., 1er déc. 2011, aff. C-145/10, Eva-Maria Painer contre Standard VerlagsGmbH et autres). Là encore, rien de nouveau. La jurisprudence portant sur la protection par le droit d’auteur des photographies en constitue, par analogie, un bon exemple. Son analyse enseigne en effet que la protection par le droit d’auteur peut être reconnue alors même qu’il s’agit de reproduire le réel, dès lors que l’originalité de la photographie existe à l’une quelconque des différentes phases du processus créatif. Trois phases sont traditionnellement distinguées : la phase préparatoire (l’originalité pouvant alors se manifester dans la composition, la mise en scène, la pose des sujets ou encore l’éclairage), la phase de réalisation (la prise de vue elle-même, l’originalité pouvant ressortir du cadrage, de l’angle choisi, de l’atmosphère créée, etc.) et, enfin, la phase de postproduction (l’originalité pouvant se caractériser dans les retouches, les recadrages, le montage, les couleurs, le recours à des logiciels, etc.). Ces éléments sont applicables aux créations numériques 3D. La jurisprudence est peu abondante encore, mais elle existe (V. par ex. TGI Paris, 3è civ., 16 mai 2008, 06/13528 ; CA Paris, Pôle 5, ch. 1, 2 février 2011, n° 08/12766 ; CA Douai, 14 mai 2014, n° 12/02889)

Avec le développement des métavers, les contentieux sur ces sujets devraient être plus fournis. D’autres questions seront source de discussions. Nous aurons l’occasion d’en reparler. La bataille pour le métavers ne fait que commencer…

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The law firm VARET PRÈS turned into VARET PRÈS KILLY, January, 2022

As from 1st January, 2022, the law firm VARET PRÈS turned into VARET PRÈS KILLY.

With the onboarding of Rhadamès Killy, the expertise in digital and IT law developed by Vincent Varet and Xavier Près is now supplemented by sports law.

Rhadamès Killy is admitted at both the Paris and California Bars. He advises and represents stakeholders in the sports movement and sports industry on aspects of sports regulation and business law. He started his career in 1994 in London at the European headquarters of IMG, then went on to become its French subsidiary’s legal director. He was the general counsel for the French Tennis Federation and Roland-Garros from 2002 till 2009. He was then part of the advance team that created the French Online Gambling Regulatory Authority (ARJEL), then became its general counsel (2009-2012). In 2012, he joined the law firm de Gaulle Fleurance & Associés, of which he became a partner before starting his own firm in 2020.

“His professional experience and his legal skills, both from an advisory and litigation point of view, are a perfect addition and broaden our offer. Intellectual property and sports are closely related. The joining of Rhadamès will allow us to support our clients’ projects at the heart of the IT, cultural and sports economy” says a delighted Vincent Varet.

Xavier Près, who met Rhadamès Killy at de Gaulle Fleurance & associés, adds: “Rhadamès has a solid experience in the sports industry and in the international sports movement. I am very happy to reconnect with him, because we will be able to propose to our clients an offer combining our expertise in intellectual property law and sports law, which is virtually unprecedented on the market. Together, we have already won many battles; we look forward to undertake new ones”.

VARET PRÈS KILLY, a law firm dedicated to IT, the digital world and sports

Press Release

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