ESPACE NUMÉRIQUE & LOI SREN

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La loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (SREN) a été publiée au Journal officiel le 22 mai 2024, après avoir été en partie censurée par le Conseil constitutionnel le 17 mai 2024 (Loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique et Conseil constitutionnel, décision n° 2024-866 du 17 mai 2024).

La loi du 21 mai 2024 portant sur la régulation de l’espace numérique (SREN) a été publiée au Journal officiel le 22 mai 2024. Elle est prise notamment en application des règlements de l’UE sur les services numériques (Digital Service Act ou DSA) et sur les marchés numériques (Digital Market Act ou DMA).

Elle comporte également un grand nombre de dispositions très hétéroclites déclinées en trois axes : (i) la protection en ligne des mineurs (renforcement des pouvoirs de l’ARCOM afin d’instaurer un référentiel déterminant les exigences techniques minimales applicables aux systèmes de vérification d’âge des sites pornographiques, et lui permettre, après mise en demeure et contrôle a posteriori du juge administratif, le blocage ou le déréférencement des sites internet), (ii) la protection des citoyens contre les arnaques, la haine et la désinformation (création d’un filtre de cybersécurité « anti- arnaque » par un message d’alerte à l’utilisateur qui s’apprêterait à se diriger vers un site malveillant après avoir reçu un SMS ou un mail frauduleux, renforcement des mesures contre les personnes reconnues coupables de cyberharcèlement ou de haine en ligne (bannissement provisoire des réseaux sociaux, avec sanction du réseau social qui n’appliquerait pas la mesure de bannissement) renforcement des pouvoirs de l’ARCOM afin de lutter contre la désinformation et les ingérences étrangères) et (iii) le renforcement de la confiance et de la concurrence dans l’économie de la donnée (ouverture du marché de l’informatique en nuages (cloud), et encadrement des pratiques commerciales en la matière, désignation de l’ARCEP comme autorité compétente pour réguler les services d’intermédiation de données, création d’un intermédiaire unique entre les plateformes de location de meublés de tourisme et les communes et régulation pour une durée expérimentale de trois ans des nouveaux jeux en ligne à objets numériques monétisables (Jonum)).

Parmi les nouvelles dispositions précitées, il est à noter que la loi SREN introduit une nouvelle infraction pour lutter contre le « deep fake pornographique » ou « vidéo pornographique truquée ». Est ainsi désormais réprimé par le nouvel article 226-8-1 du code pénal « le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers, par quelque voie que ce soit, un montage à caractère sexuel réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne, sans son consentement », tout comme « le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers, par quelque voie que ce soit, un contenu visuel ou sonore à caractère sexuel généré par un traitement algorithmique et reproduisant l’image ou les paroles d’une personne, sans son consentement ». Le texte est utile à l’heure du développement de l’intelligence artificielle. Il vient notamment compléter les articles du code pénal portant sur les atteintes à la personnalité et, plus spécifiquement, celles portant sur la représentation de la personne (v. spéc. articles 226-8 modifié pour l’occasion et 227-23 du code pénal). Il sera néanmoins à articuler avec le Règlement sur l’IA qui définit le « deep fake » comme « un contenu image, audio ou vidéo généré ou manipulé par l’IA qui ressemble à des personnes, des objets, des lieux, des entités ou des événements existants et qui semblerait faussement authentique ou véridique aux yeux d’une personne » et l’encadre par une obligation d’information et de marquage notamment (v. notamment art. 3 et 50).

Saisi dans le cadre d’un contrôle a priori, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité de la loi SREN aux droits et libertés garantis par la Constitution. Il a censuré cinq articles du texte, dont quatre considérés comme des cavaliers législatifs n’ayant pas de lien suffisant avec le projet de loi. Dans sa décision du 17 mai 2024, le Conseil constitutionnel a également censuré les dispositions portant sur la création d’un délit public d’outrage en ligne, réprimant « le fait de diffuser en ligne tout contenu qui, soit porte atteinte à la dignité d’une personne, ou présente à son égard un caractère injurieux, dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante » et habilitant les forces de l’ordre à apprécier la caractérisation du délit en dehors de toute procédure judiciaire par le recours à l’amende forfaitaire délictuelle. Inutile car la législation comprend déjà plusieurs infractions pénales en ce sens, la disposition a de plus été considérée comme inadaptée et non proportionnée par sa généralité et son imprécision. Sans la censure constitutionnelle, il ne serait pas resté grand-chose de la loi de 1881, qui permet de sanctionner les abus à la liberté d’expression dans le cadre et avec les garanties d’un débat contradictoire.

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