Lettre d’information Immatériel n°2 – Septembre 2021

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Au sommaire :

  1. FOCUS : Droit d’auteur & rémunération des artistes lors d’exposition. Décidé à faire aboutir les travaux en cours concernant la rémunération du droit d’exposition des artistes par les musées et les FRAC, le Ministère de la Culture et de la Communication souhaite instituer « une rémunération obligatoire » en faveur des artistes-auteurs lors d’exposition temporaire de leurs œuvres (discussions en cours dans les musées).
  2. IMAGES & MÉTADONNÉES : Rapport de mission au CSPLA, sur « les métadonnées liées aux images fixes », par le Professeur Tristan Azzi et M. Yves El Hage (juillet 2021). Le rapport propose deux séries de recommandations pour une meilleure identification et protection des œuvres en ligne via les métadonnées.
  3. COPIE PRIVÉE & SUPPORTS RECONDITIONNÉS : Par ordonnance en date du 12 juillet 2021, le Conseil d’Etat a rejeté, en référé, la demande, formée par l’UFC-Que Choisir, de suspension de la décision de la Commission de la rémunération pour copie privée du 1er juin 2021, qui a soumis à cette rémunération les appareils numériques reconditionnés (smartphones, tablettes…).
  4. DROIT D’AUTEUR & PODCASTS : Le 2 septembre 2021, le Geste et la Sacem sont parvenus à un accord sur les tarifs de cette dernière en matière d’utilisation de la musique au sein des podcasts dits « natifs ».
  5. DROIT VOISIN DES ÉDITEURS DE PRESSE & GOOGLE : Google a été condamnée par l’Autorité de la concurrence à une amende d’un montant de 500 millions d’euros pour ne pas avoir négocié de bonne foi avec les agences et éditeurs de presse (Autorité de la concurrence, 12 juillet 2021, Décision 21-D-17 relative au respect des injonctions prononcées à l’encontre de Google dans la décision n°20-MC-01 du 9 avril 2020).
  6. MARQUE SONORE & DISTINCTIVITÉ : Le Tribunal de l’Union européenne se prononce, pour la première fois, sur l’enregistrement d’une marque sonore présentée en format audio et apporte des précisions quant aux critères d’appréciation du caractère distinctif de ce type de marques (TUE, 7 juillet 2021, T-668/19, Ardagh Metal Beverage Holdings/EUIPO).
  7. MARQUE TRIDIMENSIONNELLE & TUBE DE ROUGE À LÈVRES : La marque tridimensionnelle est une marque comme les autres à la différence importante près qu’elle est constituée par l‘apparence du produit lui-même et que, partant, le critère de distinctivité est plus difficile à établir que pour les autres catégories de marques, ainsi que le rappelle cette affaire portant sur la demande d’enregistrement de la marque du tube du « rouge G de Guerlain » (Tribunal de l’UE, 14 juillet 2021, T 488/20)

 En savoir plus :

  1. FOCUS : Droit d’auteur & rémunération des artistes lors d’exposition. Décidé à faire aboutir les travaux en cours concernant la rémunération du droit d’exposition des artistes par les musées et les FRAC, le Ministère de la Culture et de la Communication souhaite instituer une rémunération minimale mais néanmoins obligatoire en faveur des artistes-auteurs lors d’exposition temporaire de leurs œuvres (discussions en cours dans les musées).

Le droit d’exposition n’a jamais eu la cote en droit d’auteur.

Initialement, une partie de la doctrine a été réfractaire à l’existence d’un droit d’exposition publique au regard de la législation sur le droit de la propriété littéraire et artistique. Desbois soutenait par exemple que l’exposition d’une œuvre au public ne constitue pas une représentation publique et que, par conséquent, elle ne saurait être soumise au « consentement discrétionnaire » de l’auteur. Son argument était pour le moins étonnant : « Il s’agirait d’une innovation, qui ne se recommanderait d’aucun précédent dans la jurisprudence antérieure, et qui serait d’autant plus surprenante que le législateur en aurait pris l’initiative en rédigeant une disposition, dont tous les autres éléments n’ont d’autre objet que de réaliser la codification des solutions jurisprudentielles… » (Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, 1978, n° 259). En bref, faute d’application jurisprudentielle antérieure, le législateur ne l’aurait pas envisagée en 1957.

L’argument a fait long feu. Certes le droit d’exposition ne figure pas expressis verbis dans la loi, mais nul ne conteste plus sérieusement que la généralité de la définition du droit de représentation, ainsi que l’énumération non exhaustive des procédés de communication de l’œuvre au public en visant expressément « la présentation publique », invitent incontestablement à inclure le droit d’exposition publique parmi les composantes du droit de représentation. Au demeurant et sans même avoir à solliciter le droit de l’Union européenne, rappelons que les travaux parlementaires y font expressément référence. Ainsi lors des travaux préparatoires de la loi de 1985 modifiant en partie la loi de 1957, le rapporteur, M. Alain Richard, a expressément évoqué l’existence de ce droit d’exposition : « À l’article 8, qui définit la notion de présentation publique au sens large – c’est-à-dire tout ce qui caractérise le passage de l’œuvre vers le public – la commission mixte paritaire a supprimé la notion d’“exposition publique” parmi les différentes modalités de présentation, tout en considérant que la notion de présentation publique de l’œuvre, qui, elle, figure dans le texte, incluait sans doute possible celle d’exposition publique. Il s’agissait d’éviter une redondance qui risquait de déclencher par la suite des interrogations sur l’interprétation du texte » (1er Rapport Richard à l’assemblée nationale in, n° spécial, RIDA, janvier 1986, p. 189 ; 2ème rapport Jolibois au Sénat, ibidem, p. 283).

Deux décisions du 20 septembre 2000 de la Cour d’appel de Paris, confirmées par deux arrêts de la Cour de cassation du 6 novembre 2002, ont également expressément reconnu le droit d’exposition publique de l’auteur d’une œuvre artistique. L’une des deux Cour d’appel de Paris a ainsi énoncé en termes généraux : « Que l’exposition d’une œuvre photographique à la vue du public constitue donc une représentation, au sens de l’article L. 122-2 du Code de la propriété intellectuelle, qui justifiait le consentement préalable de l’auteur ». Et la Cour de cassation a observé à son tour que la Cour d’appel a « en droit, exactement énoncé que l’exposition au public d’une œuvre photographique en constitue une communication au sens de l’article susvisé (article L. 122-2 CPI) et requiert, en conséquence, l’accord préalable de son auteur ».

Malgré l’indubitable application du droit d’auteur à l’exposition d’une œuvre d’art, cet acte de communication au public relevant du monopole de l’auteur et, partant, soumis à l’autorisation préalable de ce dernier, ne donne pas toujours lieu en pratique au paiement d’une rémunération. Précisons d’emblée qu’une telle rémunération n’est nullement obligatoire dès lors que le principe de la cession est lui-même aménagé, l’article L. 122-7 du Code de la propriété intellectuelle précisant que « le droit de représentation et le droit de reproduction sont cessibles à titre gratuit ou à titre onéreux ». De plus, l’absence de rémunération spécifique de l’auteur au titre du droit d’exposition est en pratique souvent compensée par d’autres contreparties, telles que notamment l’intérêt de l’artiste à voir ses œuvres présentées au public, sa cote sur le marché de l’art n’étant pas totalement étrangère à sa reconnaissance, spécialement lorsque l’exposition est organisée par un grand musée. La contrepartie de la cession du droit d’exposition peut également être incluse dans le prix de la commande de l’œuvre, voire ressortir de l’économie globale du contrat.

Le Ministère de la Culture et de la Communication, notamment après le Rapport Racine « L’auteur et l’acte de création » remis le 22 janvier 2020, a néanmoins souhaité mettre fin à cette pratique consistant à ne pas rémunérer spécifiquement les artistes-auteurs. Parmi les 15 premières mesures concrètes destinées à « améliorer les conditions de création des auteurs » présentées le 11 mars 2021, le Ministère de la Culture et de la Communication a déclaré vouloir « faire aboutir les travaux en cours concernant la rémunération du droit d’exposition des artistes par les musées et les FRAC ».

Il est ainsi proposé d’établir dans les musées « une rémunération obligatoire » en faveur des artistes-auteurs lors d’exposition temporaire de leurs œuvres, que ce soit dans le cadre d’expositions monographiques ou collectives. Le barème retenu fixe des rémunérations forfaitaires minimales allant de 100 euros par artiste pour une exposition collective à 1 000 euros pour une exposition monographique, ainsi qu’une rémunération proportionnelle de 3 % sur la billetterie pour les expositions bénéficiant d’une billetterie payante.

Cette rémunération spécifique va obliger les musées dépendant du ministère de la Culture et de la Communication à prévoir une rémunération spécifique et des dispositifs ad hoc de nature à la fois à assurer l’effectivité de la mesure, mais également son suivi tant sur le plan économique (financier et comptable) que politique. L’été a été propice à une réflexion dont les conclusions devraient désormais rapidement être connues.

  1. IMAGES ET MÉTADONNÉES. Rapport de mission au CSPLA, sur « les métadonnées liées aux images fixes », par le Professeur Tristan Azzi et M. Yves El Hage (juillet 2021). Ce rapport propose deux séries de recommandations pour une meilleure identification et protection des œuvres en ligne via les métadonnées.

Les métadonnées des images fixes correspondent aux données intégrées au fichier contenant ces images et qui, selon leurs détails, permettent, entre autres, de connaître l’identité du ou des titulaires de droits sur l’œuvre lorsque l’image est protégeable ainsi que les conditions d’exploitation de celle-ci et de suivre son exploitation en ligne. Or, et c’est l’un des constats préalables du rapport au CSPLA, ces métadonnées sont très largement modifiées ou supprimées par les exploitants d’images fixes lors de leur mise en ligne ou de leur exploitation subséquente. Pour lutter efficacement contre cet « écrasement » des métadonnées, les auteurs du rapport proposent deux séries de solutions.

Premièrement, il est proposé de faire le pari du respect du droit existant qui offre un important arsenal pour sanctionner les atteintes à l’intégrité des métadonnées, en vertu notamment des dispositions applicables en matière de contrefaçon mais également de dispositions spécifiques du Code de la propriété intellectuelle. Ces sanctions ne sont néanmoins jamais mises en œuvre et ce, selon les auteurs du rapport, pour plusieurs raisons, dont l’exigence d’un élément moral pour l’application des sanctions pénales et très certainement aussi civiles, mais également du fait de l’ignorance des dispositions légales par les titulaires de droits. Cela étant, le rapport relève que le nouveau droit voisin des éditeurs de presse et les obligations prévues, à la charge des plateformes de partage de contenus, par la directive DAMUN (directive (UE) du 17 avril 2019), devraient conduire ces opérateurs à prendre conscience de l’utilité pour eux de conserver les métadonnées.

Deuxièmement, le rapport suggère, en cas d’échec des premières recommandations, de réécrire les sanctions applicables à la violation des métadonnées en vue d’un assouplissement de l’élément intentionnel requis. Il est également proposé de renforcer les attributions de la HADOPI, future ARCOM, pour lui permettre de mener des actions de sensibilisation auprès des exploitants d’images fixes ainsi que de jouer un rôle de conciliation en cas de litige, voire de lui confier une véritable mission de protection des métadonnées, proche de celle de la CNIL en matière de données personnelles.

  1. COPIE PRIVÉE & SUPPORTS RECONDITIONNÉS : Par ordonnance en date du 12 juillet 2021, le Conseil d’Etat a rejeté, en référé, la demande, formée par l’UFC-Que Choisir, de suspension de la décision de la Commission de la rémunération pour copie privée du 1er juin 2021, qui a soumis à cette rémunération les appareils numériques reconditionnés (smartphones, tablettes…).

Par une décision n°22 du 1er juin 2021, la commission chargée de fixer la rémunération pour copie privée, instituée par l’article L.311-5 du Code de la propriété intellectuelle, a étendu l’application de cette rémunération aux téléphones et tablettes « multimédia » reconditionnés.

L’association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a contesté cette décision devant le juge administratif, dans le cadre d’une procédure au fond, en cours, ainsi qu’en référé. Cette seconde procédure visait à obtenir la suspension de la décision de la commission, dans l’attente du résultat de la procédure au fond, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code la justice administrative. Ce texte permet au juge des référés administratif de suspendre une décision administrative, ou certains de ces effets, à deux conditions cumulatives : cette suspension doit être justifiée par l’urgence et il doit être fait état d’un moyen propre à créer un doute sérieux, en l’état de l’instruction, quant à la légalité de cette décision.

Pour que la condition d’urgence soit remplie, il faut que l’exécution de la décision soit de nature à porter atteinte, de manière « suffisamment grave et immédiate », à l’intérêt public, aux intérêts du requérant ou de ceux qu’il défend.

En l’occurrence, l’UFC-Que Choisir soutenait en substance, devant le Conseil d’Etat, que le montant global de la rémunération pour copie privée qui serait payé par les acheteurs de produits reconditionnés serait de plusieurs millions d’euros sur sept mois (de juillet à décembre 2021) et que les sommes en cause seraient irrécupérables par les consommateurs en cas d’annulation de la décision de la Commission ; l’association de défense des consommateurs soutenait également que cette rémunération aurait un impact négatif sur le marché des appareils reconditionnés et donc sur l’impact écologique de la filière numérique ainsi que sur la fracture numérique.

Par l’ordonnance rapportée, le Conseil d’Etat écarte le premier argument, au motif que la rémunération pour copie privée applicable aux appareils reconditionnés est inférieure de 40% pour les téléphones, et de 35% pour les tablettes, à celle applicable aux appareils neufs, en sorte que les tarifs contestés ne permettent pas de caractériser une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts des consommateurs. En d’autres termes, ces derniers y gagnent quand même.

Il écarte également le second, au motif que l’UFQ-Que Choisir n’a pas apporté aux débats d’élément justifiant d’une atteinte grave et immédiate aux intérêts en cause.

La première condition d’urgence n’étant pas remplie, le Conseil d’Etat rejette la demande de suspension de la décision de la Commission, si bien que la rémunération pour copie privée s’applique effectivement aux téléphones et tablettes reconditionnés depuis le 1er juillet 2021… dans l’attente de la décision au fond, et aussi de l’éventuelle adoption de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, qui pourrait, en fonction des débats parlementaires et si elle est adoptée, exempter de cette rémunération l’économie sociale et solidaire (reconditionnements opérés par Emmaüs, par exemple).

  1. DROIT D’AUTEUR & PODCASTS : Le 2 septembre 2021, le Geste et la Sacem sont parvenus à un accord sur les tarifs de cette dernière en matière d’utilisation de la musique au sein des podcasts dits « natifs ».

Les podcasts dits « natifs » sont des enregistrements sonores qui ne reprennent pas une émission de radio diffusée en direct, mais sont créés et produits ab initio pour eux-mêmes, si l’on peut dire, en vue d’une primo-diffusion en ligne. Ils peuvent traiter de sujets divers et variés, selon des formats beaucoup plus libres que ceux de la radio « à l’ancienne », et connaissent un succès grandissant. Ils incluent souvent de la musique, à titre principal ou d’accompagnement sonore. Se pose donc la question de la rémunération des auteurs des œuvres musicales ainsi utilisées et diffusées, au titre de leur droit d’auteur.

Après plus d’un an de négociations, le Geste (groupement des éditeurs de contenus et services en ligne) et la Sacem sont parvenus à un accord sur la grille tarifaire qui sera appliquée par cette dernière au titre de l’usage, au sein de ces podcasts, des œuvres musicales appartenant au catalogue de la Sacem.

Cet accord a pris la forme d’un contrat-cadre, dont les membres du Geste pourront donc bénéficier dans leurs relations avec la Sacem. Quant aux autres éditeurs de services en ligne proposant des podcasts natifs, ils devront négocier individuellement avec cette dernière.

En synthèse, la grille tarifaire ayant fait l’objet de l’accord est conçue sur la base d’une distinction principale selon le modèle économique du service en ligne diffusant le podcast : elle distingue les services financés par la publicité ou les services financés par abonnement. Ensuite, elle tient compte du thème du podcast : sport & information, généraliste, musical. Les taux de redevance, le minimum garanti annuel et le minimum garanti par écoute (pour les services financés par la publicité), et le taux de redevance ainsi que le minimum par abonné et par mois (pour les services sur abonnement), varient ensuite, pour chacune des trois catégories de podcasts précitées, en fonction du taux d’utilisation du répertoire Sacem en sein de chaque podcast : moins de trente pour cent, entre trente et soixante-dix pour cent, au-dessus de soixante-dix pour cent.

Cet accord, devrait faciliter l’utilisation d’œuvres musicales au sein des podcasts et donc favoriser le développement de ces nouveaux formats créatifs, tout en assurant une rémunération justifiée aux auteurs d’œuvres musicales.

Pour finir, on relèvera que, le 2 septembre également, le Ministère de la Culture et de la communication a lancé un appel à projets visant à distribuer, au titre de cette fin d’année 2021, un fonds de 500.000 euros pour aider les auteurs de podcasts natifs dans l’écriture et le développement de leurs projets, chaque projet sélectionné se voyant attribuer une somme forfaitaire de 3.000 à 5.000 euros. Si ces sommes paraissent modestes, elles ont été bien accueillies par le secteur, le modèle économique des podcasts natifs se cherchant encore. 

  1. DROIT VOISIN DES ÉDITEURS DE PRESSE & GOOGLE : Google a été condamnée par l’Autorité de la concurrence à une amende d’un montant de 500 millions d’euros pour ne pas avoir négocié de bonne foi avec les agences et éditeurs de presse (Autorité de la concurrence, 12 juillet 2021, Décision 21-D-17 relative au respect des injonctions prononcées à l’encontre de Google dans la décision n°20-MC-01 du 9 avril 2020).

En réponse à l’adoption de la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 créant un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, Google avait unilatéralement pris la décision de ne plus afficher les extraits d’articles, les photographies et les vidéos publiés par ces derniers, sauf à ce qu’ils lui en donnent l’autorisation à titre gratuit. Considérant que ce comportement était susceptible de constituer un abus de position dominante, l’Autorité de la concurrence avait prononcé le 9 avril 2020, dans l’attente d’une décision au fond, une série d’injonctions à l’égard des sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, leur imposant notamment de négocier de bonne foi avec les éditeurs de presse.

Le respect de ces mesures conservatoires a été contesté devant l’Autorité de la concurrence par le Syndicat des éditeurs de presse magazine (SEPM), l’Alliance de Presse d’Information générale (APIG) et l’AFP qui reprochaient à Google d’avoir mis en place une stratégie de négociation globale dénommée Showcase. Les demandeurs soutenaient que les négociations étaient utilisées par Google pour obtenir un partenariat consacré à l’offre de nouveaux services aux agences et éditeurs de presse et dans lequel le versement d’une rémunération au titre du droit voisin de ces derniers ne constituait qu’une composante accessoire et dépourvue de valorisation financière distincte.

Dans sa décision du 12 juillet 2021, l’Autorité de la Concurrence a considéré que ce partenariat constituait une violation des injonctions imposées en 2020 et notamment des obligations de négociation de bonne foi et de communication aux éditeurs et agences de presse des informations nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération due. Une sanction d’un montant exceptionnel de 500 millions d’euros a été prononcée par l’Autorité de la concurrence, qui a également ordonné aux sociétés Google de présenter, aux éditeurs et agences de presse ayant saisi l’Autorité, une offre de rémunération pour les utilisations actuelles de leurs contenus protégés et de leur communiquer les informations nécessaires à l’évaluation d’une telle offre.

  1. MARQUE SONORE & DISTINCTIVITÉ : Le Tribunal de l’Union européenne se prononce, pour la première fois, sur l’enregistrement d’une marque sonore présentée en format audio et apporte des précisions quant aux critères d’appréciation du caractère distinctif de ce type de marques (TUE, 7 juillet 2021, T-668/19, Ardagh Metal Beverage Holdings/EUIPO).

Depuis la suppression, en 2017 pour les marques de l’Union européenne et en 2019 pour les marques françaises, de l’exigence de représentation graphique du signe faisant l’objet d’une demande d’enregistrement, les marques sonores mais également les marques hologramme, de mouvement ou multimédia peuvent être enregistrées, y compris au moyen d’un fichier MP3 ou MP4.

Le Tribunal de l’Union européenne a statué pour la première fois le 7 juillet 2021 sur une demande de marque sonore de l’Union européenne présentée en format MP3, après avoir été saisi sur recours contre la décision de l’EUIPO refusant son enregistrement. En l’espèce, la demande de marque, qui visait les boissons et les conteneurs pour transport et entrepôt en métal, portait sur un signe sonore évoquant le son qui se produit à l’ouverture d’une canette de boisson, suivi d’un silence d’environ une seconde et d’un pétillement de neuf secondes.

Le Tribunal approuve l’EUIPO d’avoir rejeté la demande litigieuse au motif que le signe était dépourvu de caractère distinctif. Cette décision est l’occasion pour le Tribunal de rappeler que les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques sonores ne diffèrent pas de ceux applicables aux autres catégories de marques. Il précise en outre qu’un signe sonore doit posséder une certaine prégnance permettant au consommateur visé de le percevoir en tant que marque et ne doit pas être considéré comme un élément de nature fonctionnelle ou un indicateur sans caractéristique intrinsèque propre, ce qui était le cas en l’espèce.

  1. MARQUE TRIDIMENSIONNELLE & TUBE DE ROUGE À LÈVRES : La marque tridimensionnelle est une marque comme les autres à la différence importante près qu’elle est constituée par l‘apparence du produit lui-même et que, partant, le critère de distinctivité est plus difficile à établir que pour les autres catégories de marques, ainsi que vient de le souligner cette affaire portant sur la demande d’enregistrement de la marque du tube de rouge à lèvres intitulé « rouge G de Guerlain » (Tribunal de l’UE, 14 juillet 2021, T 488/20)

La marque tridimensionnelle est-elle une marque comme les autres ?

A l’instar des marques verbale, figurative, semi-figurative ou encore sonore, une marque tridimensionnelle peut être déposée à titre de marque et bénéficier de cette protection spécifique dès lors qu’elle est licite, disponible, susceptible d’une représentation graphique et distinctive.

Le caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle s’apprécie selon les mêmes critères que ceux applicables aux autres catégories de marques. On sait qu’une marque est distinctive lorsqu’elle permet au consommateur d’identifier l’origine du produit ou du service sur lequel elle est apposée. Toutefois, parce que la marque tridimensionnelle est constituée par l’apparence du produit lui-même et que les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, il est traditionnel de considérer que « seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition » (arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C 136/02 P, EU:C:2004:592, point 31).

En l’espèce, Guerlain a déposé le 17 septembre 2018 la forme de l’un de ses tubes de rouge à lèvres « Rouge G de Guerlain » auprès de l’EUIPO pour désigner des produits de « rouges à lèvres » en classe 3. L’office européen a rejeté cette demande de marque de l’Union européenne le 21 août 2019 au motif que la forme du tube de rouge à lèvres n’est pas distinctive au sens de l’article 7, § 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017. Cette décision a été confirmée par la première chambre de recours de l’EUIPO le 2 juin 2020 au motif que « la marque en question ne divergerait pas suffisamment et encore moins « de manière significative » des normes et des habitudes du secteur ». Le 14 juillet 2021, le Tribunal de l’Union européenne a annulé cette décision, validant ainsi l’enregistrement du tube de rouge à lèvres « Rouge G de Guerlain » en tant que marque de l’Union européenne tridimensionnelle.

Le Tribunal a considéré en effet que la forme faisant l’objet de ladite marque diverge « de manière significative de la norme et des habitudes du secteur concerné » en ce qu’elle ne présente pas une forme cylindrique, mais celle d’une coque de bateau ou d’un couffin, qu’elle ne présente aucun angle droit et qu’à l’inverse de toutes les autres formes de rouge à lèvres existant sur le marché́, elle ne permet pas de positionner le produit concerné de manière verticale, le tube de rouge à lèvres ne pouvant tenir débout. Il a néanmoins fallu, pour aboutir à la validité de cette marque, trois ans de procédure.

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