Il est traditionnel de considérer que la contrefaçon de logiciel visée à l’article L. 335-3 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle est pénalement sanctionnée des peines visées à l’article L. 335-2 du même code. Le premier texte prévoit l’incrimination (« Est également un délit de contrefaçon la violation de l’un des droits de l’auteur d’un logiciel définis à l’article L. 122-6 »), tandis que le second précise les sanctions encourues (« Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit. La contrefaçon en France d’ouvrages publiés en France ou à l’étranger est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. Seront punis des mêmes peines le débit, l’exportation et l’importation des ouvrages contrefaisants. Lorsque les délits prévus par le présent article ont été commis en bande organisée, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 500 000 euros d’amende »).
Mais est-ce si sûr, dès lors que le logiciel n’est pas expressément visé dans le second texte ? Le texte d’incrimination a été édicté en 1994, date de transposition de la directive 91/250 CCE du 14 mai 1991 organisant la protection des logiciels par le droit d’auteur, alors que celui relatif aux sanctions est bien antérieur (il existe dans le code de la propriété intellectuelle depuis son édification le 1er juillet 1992 et même avant, avec l’ancien article 425 du code pénal).
Telle est la question de constitutionnalité posée dans un litige en contrefaçon opposant au pénal deux éditeurs de logiciels, l’un ayant déposé plainte contre l’autre.
La question prioritaire de constitutionnalité est libellée en ces termes : « Les dispositions de l’alinéa 2 de l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle disposant qu’est également un délit de contrefaçon la violation de l’un des droits de l’auteur d’un logiciel définis à l’article L. 122-6 portent-elles atteinte au principe de légalité des délits et des peines tel que garanti par les articles 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 27 août 1789 et 34 de la Constitution du 04 octobre 1958 dans la mesure où ce texte spécifique d’incrimination n’est assorti d’aucune peine ? »
La question a été transmise par le Tribunal judiciaire de Bobigny à la Cour de cassation le 15 décembre 2020. Cette dernière doit se prononcer dans les trois mois « à compter de la réception de la transmission » afin de décider si elle transmet ou non la QPC au Conseil constitutionnel. En cas de transmission, le même délai de trois mois sera imparti au Conseil constitutionnel à compter de sa saisine pour apprécier si la disposition législative en cause porte ou non atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. En cas de réponse positive, l’article L. 335-3 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle en cause serait donc abrogé.