MARQUE & DÉCEPTIVITÉ

Sorry, this entry is only available in Français.

Pour la deuxième fois en moins de six mois, la Cour de cassation  interroge par voie de question préjudicielle la Cour de justice de l’Union européenne sur la notion de  déceptivité d’une marque (Cour de cassation, com., 5 juin 2024, n°22-11.499). 

Par l’arrêt attaqué, la cour d’appel de Paris a prononcé la nullité des marques françaises <FAURÉ LE PAGE 1717> déposées en 2009 par la société Fauré Le Page en raison de leur caractère trompeur. Selon la cour d’appel, la tromperie résulterait de l’utilisation du nombre 1717. Ce nombre ferait référence à la date de création de la Maison Fauré Le Page, qui amènerait ainsi le public à croire à tort que la société Fauré Le Page aurait continué l’activité de la première depuis 1717 et bénéficierait de son savoir-faire, gage, dans l’esprit du public concerné, de qualité des produits sur lesquels ces marques sont apposées. La cour a retenu en outre que l’information erronée ainsi véhiculée est susceptible d’influencer la décision d’achat du consommateur moyen d’articles de maroquinerie de luxe, tels ceux commercialisés par la société Fauré Le Page, dèslors que ce dernier attache de l’importance à l’histoire et à l’ancienneté de l’entreprise qui les commercialise. 

La société Fauré Le Page soutient que, pour être considérée comme déceptive, la marque doit être de nature à tromper le consommateur, non sur l’entreprise, mais sur la nature et les caractéristiques des produits ou des services désignés à l’enregistrement. 

Cependant, la Cour de cassation considère, en substance, que le caractère déceptif d’une marque ne se limite pas à un message trompeursur les seules caractéristiques du produit ou du service mais peut concerner les caractéristiques de l’entreprise titulaire de la marque elle-même, et en particulier son ancienneté. 

Compte tenu d’une hésitation sur l’interprétation de la notion de marque déceptive, la Cour de cassation a décidé d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne et lui a posé plusieurs questions préjudicielles – la première d’entre elles, dans les termes suivants : « L’article 3, paragraphe 1, sous g), de la directive n°2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques doit-il être interprété en ce sens que la mention d’une date de fantaisie dans une marque communiquant une information fausse sur l’ancienneté, le sérieux et le savoir-faire du fabricant des produits et, partant,sur une des caractéristiques non matérielles desdits produits, permet de retenir l’existence d’une tromperie effective ou un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur ? 

Réponse à suivre ; la saga « Fauré Le Page » est loin d’être finie…



Share this post: Facebook Twitter LinkedIn

NUMÉRIQUE & TRANSPARENCE

Sorry, this entry is only available in Français.

Les obligations de transparence incombant aux fournisseurs  de comparateurs en ligne, de places de marché en ligne et d’agrégateurs de contenus d’actualité en  ligne ont été précisées et complétées (Décret n°2024-753 du 7 juillet 2024 modifiant le code de la  consommation en ce qui concerne les obligations d’information des fournisseurs de comparateurs en  ligne, de places de marché en ligne et d’agrégateurs de contenus d’actualité en ligne

Avec l’adoption de la loi n°2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à régulerl’espace numérique, dite « loi SREN », une obligation d’information loyale, claire et transparente a été mise à la charge des opérateurs suivants : 

  • les fournisseurs de place de marché en ligne : c’est-à-dire les personnes fournissant un service utilisant un logiciel qui permet aux consommateurs de conclure des contrats à distance avec des tiers ; 
  •  les fournisseurs de comparateur en ligne : c’est-à-dire les personnes fournissant un service de communication au public en ligne consistant en la fourniture d’informations permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels ; et 
  • les agrégateurs de contenus d’actualité en ligne : expression utilisée en pratique pour désigner les personnes proposant, à titre professionnel, un service de communication au public en ligne reposant sur le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus extraits de publications de presse ou de services de presse en ligne d’information politique et générale et qui dépassent cinq millions de visiteurs uniques par mois. 

L’obligation d’information incombant à ces opérateurs, définie par l’article L. 111-7 du Code de la consommation, porte, entre autres, sur les modalités de classement des contenus, biens ou services proposés ou mis en ligne, ainsi que sur l’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération au profit de l’opérateur influençant le classement ou le référencement desdits contenus, biens ou services.

Le décret n° 2024-753 du 7 juillet 2024, entré en vigueur le 9 juillet 2024, est venu préciser le contenu desinformations à fournir par les opérateurs ainsi que les modalités de fourniture de cesinformations. Ces éléments, prévus aux articles D. 111-6 à D. 111-8 du Code la consommation,sont, pour une partie, communs à l’ensemble des opérateurs en cause, et pour l’autre, varientselon l’activité de l’opérateur. 

A défaut de respect de ces nouvelles dispositions, l’opérateur encourt une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. 



Share this post: Facebook Twitter LinkedIn

NUMÉRIQUE & MENTIONS LÉGALES

Sorry, this entry is only available in Français.

Le contenu des mentions devant obligatoirement être  mis à disposition du public par les éditeurs de services de communication au public en ligne a été  récemment modifié (loi n°2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique,  dite « loi SREN », modifiant la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie  numérique, dite « LCEN »). 

Toute personne, morale ou physique, qui édite un service de communication au public en ligne, c’est à-dire notamment un site, une plateforme, une application Web ou mobile, est tenue, en application de la LCEN, de mettre à disposition du public certaines informations, appelées en pratique « mentions légales ». Ces informations obligatoires visent à porter à la connaissance du public l’identité de l’éditeur du service ainsi que celle de certaines personnes qui interviennent dans la fourniture dudit service (initialement, l’hébergeur et, le cas échéant, le ou les responsables des contenus éditoriaux). 

Avec l’adoption de la loi SREN, l’information doit également inclure les coordonnées du ou des éventuels fournisseurs de services de stockage des données personnelles ou non personnelles des internautes, autrement dit des prestataires de service cloud, auxquels l’éditeur du service de communication au public en ligne a recours. L’ajout de cette nouvelle information, à la liste des mentions légales obligatoires qui figure désormais à l’article 1-1 de la LCEN, résulte du constat que l’identité de l’hébergeur n’est plus suffisante dès lors qu’il est courant que les données ne soient pas hébergées par ce dernier. 

Pourse conformer à cette modification législative, les éditeurs de services de communication au public en ligne devront modifier les mentions légales desdits services, sous peine d’être pénalement poursuivis.



Share this post: Facebook Twitter LinkedIn

DROIT D’AUTEUR & PRESCRIPTION

Sorry, this entry is only available in Français.

Par un arrêt en date du 4 juin 2024, la Cour de Cassation  a jugé que l’action en résiliation d’un contrat d’édition pour manquement aux obligations  d’exploitation permanente et suivie et de reddition des comptes, soumise au délai de prescription de  cinq ans de l’article 2224 du code civil, pouvait n’être pas prescrite si les manquements en cause, bien  que constatés plus cinq ans avant l’assignation, avaient été réitérés dans les cinq années ayant précédé  celle-ci (Cour de cassation, civ. 1ère, 4 juin 2024, n°22-24.462). 

A l’occasion d’un litige banal, la Haute juridiction adopte une solution à notre connaissance inédite s’agissant de la prescription de l’action en résiliation d’un contrat d’auteur pour manquement contractuel. 

L’auteur compositeur d’une œuvre musicale avait cédé ses droits sur cette œuvre, en vertu d’un contrat d’édition musicale, au producteur d’un film qui lui avait commandé cette œuvre pour constituer la bande originale dudit film. 

Au-delà de l’exploitation de ce film lui-même, l’œuvre musicale n’avait été exploitée que deux fois, espacées dans le temps, sous forme d’extraits au sein de films publicitaires (synchronisations). Elle n’avait notamment fait l’objet d’aucune exploitation sous forme d’enregistrements phonographiques, ni sur supports matériels, ni sous forme dématérialisée. Et l’auteur n’avait reçu aucune reddition de comptes, sauf pour la première exploitation publicitaire. Il a alors décidé d’agir notamment en résiliation du contrat d’édition musicale, en invoquant le défaut d’exploitation permanente et suivie de son œuvre et l’absence de reddition des comptes. 

La cour d’appel de Paris a jugé cette action prescrite sur le fondement de l’article 2224 du code civil, selon lequel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». En effet, selon les juges du fond, il résultait de l’assignation elle-même que l’auteur avait connaissance de ces inexécutions contractuelles plus cinq ans avant l’assignation. 

Cependant, l’arrêt rapporté censure cette décision pour défaut de base légale, la Haute juridiction considérant que la cour d’appel aurait dû rechercher si les manquements imputés à la société de production audiovisuelle ne s’étaient pas poursuivis pendant la période « non prescrite », c’est-à-dire au cours des cinq ans ayant précédé l’assignation. C’est dire que, dans le contexte du litige au moins, la prescription de l’action en résiliation d’un contrat d’auteur peut être partielle. 

Cette solution est rendue au visa de l’article 2224 du code civil mais aussi des articles L. 132-12 et L. 132-13 du code de la propriété intellectuelle, qui édictent les obligations d’exploitation permanente et suivie et de redditions de comptes de l’éditeur. Elle paraît donc justifiée par la nature de ces obligations, qui s’exécutent dans le temps, et ne peut sans doute être étendue ni à tout contrat d’auteur, ni même à toutes les obligations de l’éditeur.



Share this post: Facebook Twitter LinkedIn

SPORT & BILLETTERIE

Sorry, this entry is only available in Français.

Le tribunal judiciaire de Paris a ordonné le blocage de l’accès à un site  internet non autorisé proposant à la vente des billets pour les Jeux olympiques et paralympiques de  Paris 2024 (Tribunal judiciaire de Paris, 29 juillet 2024, RG n°24/09234). 

Le Comité d’organisation des jeux olympiques et paralympiques (COJOP) détient les droits d’organisations des jeux olympiques et paralympiques. Or les opérateurs tels que notamment Orange, SFR, Free et OMT permettaient, via internet, l’accès à un site qui proposait la vente de billets pour cet évènement, sans autorisation. 

Le COJOP a donc assigné ces sociétés le 19 juillet 2024 en vue d’obtenir la mise en œuvre de mesures propres à empêcher l’accès à ce site, à partir du territoire français, par leurs abonnés. Le COJOP demandait plus précisément que le blocage soit effectué dans un délai maximum de 3 jours, et ce jusqu’au terme des Jeux olympiques et paralympiques. 

Dans sa décision du 29 juillet 2024, le tribunal judiciaire de Paris ordonne le blocage du site litigieux par les opérateurs. Il estime qu’en proposant à la vente au public de façon illicite des billets pour les Jeux, le site portait des atteintes graves aux droits exclusifs du COJOP, au moyen d’un service de communication au public en ligne, causant ainsi un dommage au demandeur, ainsi qu’un trouble manifestement illicite, notamment en raison d’attroupementsur les sites de personnes dont les billets ont été annulés.

En plus d’un droit exclusif d’exploitation de la vente de billet pour lesJeux, le COJOP dispose également d’un droit exclusif sur le logo des Jeux, sur les termes « jeux olympiques » et le sigle « JO » en application de l’article L. 145-9 du code du sport. Le site viole également les conditions générales de vente des places pour cette compétition qui interdisent la vente et la revente de billets par tout autre site que les sites officiels. 

Le tribunal estime dès lors que les conditions posées par l’article 6-3 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 sont réunies, et ordonne aux opérateurs de bloquer l’accès au site en cause, dans un délai de 3 jours à compter de la signification de la décision, délai qui apparaît conforme à l’exigence de proportionnalité. 



Share this post: Facebook Twitter LinkedIn

INFLUENCEURS & RÉGLEMENTATION :

Sorry, this entry is only available in Français.

Le 4 juillet 2024, le gouvernement a notifié à la  Commission européenne un projet d’ordonnance afin d’adapter la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant  à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux  sociaux aux exigences de conformité avec le droit de l’Union européenne (Projet d’ordonnance, 4 juillet  2024). 

Après la sommation effectuée par la Commission européenne au gouvernement de réécrire la loi influenceurs en raison de l’existence d’un risque de conflit avec le droit de l’Union européenne (directive e-commerce 2000/31/CE du 8 juin 2000 ; règlement DSA 2022/2065 du 19 octobre 2022 ; directive SMA 2018/1808 du 14 novembre 2018), la loi DDADUE du 22 avril 2024 a d’une part abrogé les articles 10, 11, 12, 15 et 18 de la loi influenceurs, et d’autre part autorisé le gouvernement à opérer des modifications par voie d’ordonnances jusqu’au 22 janvier 2025.  

Le projet d’ordonnance notifié le 4 juillet prévoit en conséquence une modification des points suivants : 

Concernant la définition du terme influenceur : la définition en elle-même n’est pas modifiée, mais le projet précise que la loi s’applique aux influenceurs établis en France ou hors de l’Espace Économique Européen. Ces derniers pourront être sanctionnés via un mécanisme de sauvegarde en cas d’atteinte, de risque sérieux et grave d’atteinte à l’ordre public (protection des mineurs, des consommateurs, …). 

Concernant les influenceurs non établis dans un État membre européen : un décret est prévu pour imposer la désignation d’un représentant légal si les influenceurs en question ciblent un public en France. 

Concernant l’intention commerciale, celle-ci peut être désignée avec plus de souplesse : d’autres termes que « publicité » ou « collaboration commerciale » sont admis dès lors qu’ils permettent de rendre cette information claire et accessible. 

Enfin, de la même manière, concernant l’information relative à un contenu créé avec l’intelligence artificielle, des images retouchées, des jeux d’argent et de hasard, une plus grande souplesse est admise, à condition que ces mentions soient « identifiables sur l’image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l’intégralité du visionnage ». 



Share this post: Facebook Twitter LinkedIn

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE & RÉGLEMENTATION :

Sorry, this entry is only available in Français.

Le Règlement (UE) sur l’IA a été publié au  JOUE le 12 juillet 2024 ; il est considéré comme compatible avec la Convention-cadre du Conseil de  l’Europe sur l’IA du 17 mai 2024 (Règlement (UE) 2024/1689 du 13 juin 2024 établissant des règles  harmonisées concernant l’IA, JOUE, 12 juillet 2024 et convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’IA  et les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit du 17 mai 2024 et signé par l’UE le 5 septembre  2024). 

 

Le Règlement (UE) 2024/1689 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) pendant l’été, le 12 juillet 2024. 

Le texte va s’appliquer progressivement, selon les prochaines étapes suivantes : 

– 2 février 2025 (6 mois après l’entrée en vigueur) : Interdictions relatives aux systèmes d’IA présentant des risques inacceptables. 

– 2 août 2025 (12 mois après l’entrée en vigueur) : Application des règles pour les modèles d’IA à usage général. Nomination des autorités compétentes au niveau des États membres. Confidentialité, sanctions et amendes pourront commencer à s’appliquer. 

– 2 août 2026 (24 mois après l’entrée en vigueur) : Toutes les dispositions du règlement sur l’IA deviennent applicables, en particulier l’application des règles relatives aux systèmes d’IA à haut risque de l’annexe III (systèmes d’IA dans les domaines de la biométrie, des infrastructures critiques, de l’éducation, de l’emploi, de l’accès aux services publics essentiels, de l’application de la loi, de l’immigration et de l’administration de la justice). 

– 2 août 2027 (36 mois après l’entrée en vigueur) : Application des règles relatives aux systèmes d’IA à haut risque de l’annexe I (jouets, équipements radio, dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, sécurité de l’aviation civile, véhicules agricoles, etc.). 

Pour rappel, le Règlement de l’UE sur l’IA est un texte stratégique. Il fixe un cadre complet, transverse, applicable à tous opérateurs économiques, tous secteurs confondus (sauf finalités militaires et R&D). En substance, le Règlement de l’UE sur l’IA tend à favoriser l’innovation tout en protégeant la société, en procédant à une approche de régulation graduée selon les risques : les systèmes d’IA sont classés selon leur niveau de risque, les contraintes juridiques variant à proportion de ce risque. 

Concrètement, le Règlement oblige tout opérateur économique exploitant un système d’IA, à réaliser un audit de ses systèmes d’IA afin, d’abord, d’en évaluer les risques pour, ensuite, selon le niveau de risque identifié, mettre en place le dispositif de conformité approprié. Audit et cartographie des risques constituent les premières étapes du processus de mise en conformité. Il est recommandé à en à cette occasion d’établir une charte ou code de bonne conduite afin de réguler les pratiques et de diffuser les règles de bonne conduite. 

Au Règlement de l’UE sur l’IA, s’ajoute un autre texte, également contraignant : la convention-cadre du Conseil de l’Europe surl’IA et les droits de l’homme, la démocratie etl’État de droit adopté le 17 mai 2024. Ce traité international vise à garantir que les activités menées dans le cadre du cycle de vie des systèmes d’intelligence artificielle sont pleinement compatibles avec les droits humains, la démocratie et l’État de droit, tout en étant propice au progrès et aux innovations technologiques. 

Le texte a été signé le 5 septembre 2024 par la Commission européenne lors de la conférence informelle des ministres de la Justice du Conseil de l’Europe à Vilnius, avec d’autres pays (Andorre, Géorgie, Islande, Norvège, République de Moldova, Saint-Marin, Royaume-Uni, Israël, États-Unis d’Amérique). Cette signature confirme, si besoin, la compatibilité du Règlement de l’UE sur l’IA avec ce traité international.




Share this post: Facebook Twitter LinkedIn

DONNÉES PERSONNELLES & LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON EN LIGNE

Sorry, this entry is only available in Français.

La CJUE, réunie en Assemblée plénière, déclare conforme au droit européen, sous conditions, les dispositions du Code de la propriété intellectuelle autorisant l’ARCOM à accéder aux données personnelles conservées par les opérateurs de communications électroniques, pour mettre en œuvre la « riposte graduée » visant à lutter contre le téléchargement d’œuvres protégées par le droit d’auteur et les droits voisins (CJUE, Ass. Plén., 30 avril 2024, Aff. C-470/21, La Quadrature du Net et al., c/ Premier ministre et Ministre de la Culture français).

Plusieurs associations de protection des droits des personnes avaient saisi le Conseil d’Etat d’un recours en annulation de la décision implicite du Premier ministre de rejeter leur demande d’abrogation d’un décret n°2010-236, pris sur le fondement de l’article L.331-21 du code de la propriété intellectuelle, organisant les modalités d’obtention, par les agents assermentés de la HADOPI (depuis devenue l’ARCOM par fusion avec le CSA), auprès des opérateurs de communications électroniques, de certaines données d’identification des internautes, afin de lutter contre le téléchargement illicite d’œuvres protégées.

Au regard des nombreuses décisions rendues par la Cour de Justice ces 10 dernières années sur les modalités de conservation des données personnelles par ces opérateurs et de l’accès à ces données par les autorités compétentes pour lutter contre les infractions en ligne, le Conseil d’Etat a décidé de poser à la juridiction européenne plusieurs questions préjudicielles visant à vérifier, en substance, la conformité au droit européen des textes précités et, plus généralement, du dispositif légal français organisant les traitements de données personnelles nécessaires à la mise en œuvre du dispositif de riposte graduée dont la HADOPI avait la charge et incombant dorénavant à l’ARCOM.

La Cour de justice décide que les dispositions de la loi française en cause sont conformes au droit européen et, en particulier, à l’article 15 de la directive n°2002/58 dite « vie privée et communications électroniques », qui autorise par exception et à certaines conditions la conservation généralisée des données d’identification, et aux articles 7, 8, 11 et 52 de la Charte des droits fondamentaux, sous réserve que soient respectées les conditions suivantes :

  • Les données relatives à l’identité civile (qui sont les données concernées) correspondant aux adresses IP fournies préalablement par les titulaires de droits à l’ARCOM comme étant utilisées à des fins de téléchargement non autorisé d’œuvres protégées, doivent être conservées de manière séparée et étanche des autres catégories de données (adresses IP elles-mêmes, données de trafic, données de localisation), de manière à éviter toute exploitation combinée de ces données et ainsi de tirer des conclusions précises sur la vie privée des personnes concernées ;
  • L’accès de l’ARCOM à ces données doit servir exclusivement à identifier les personnes soupçonnées d’avoir télécharger des œuvres protégées sans autorisation et doit être entouré des garanties permettant d’éviter de tirer des conclusions précises sur leur vie privée ; parmi ces garanties, il doit être interdit aux agents assermentés de l’ARCOM (i) de divulguer quelque information que ce soit sur les fichiers consultés par ces personnes, sauf pour saisir le ministère public, (ii) de procéder au traçage du parcours de navigation des intéressés et (iii) d’utiliser les adresses IP à d’autres fins que l’identification desdites personnes ;
  • La possibilité de « croiser » ces données d’identification avec celles permettant de connaître le titre des œuvres téléchargées, qui ne doit intervenir qu’au dernier stade de la riposte graduée (c’est-à-dire après l’envoi de deux recommandations restées sans effet), pour envisager les sanctions prévues par les textes, doit être subordonnée au contrôle d’une juridiction ou d’une autorité administrative indépendante distincte de l’ARCOM, préalablement à ce croisement d’informations ;
  • Le système automatisé utilisé par l’ARCOM pour procéder à ces opérations doit faire l’objet d’un contrôle régulier par un organisme indépendant, visant à vérifier son intégrité et notamment sa protection contre les risques d’accès et d’utilisation abusifs ou illicites des données, ainsi que son efficacité et sa fiabilité à détecter les défaillances éventuelles.
Share this post: Facebook Twitter LinkedIn

UE & MARQUES DE COULEUR

Sorry, this entry is only available in Français.

L’affaire Veuve Clicquot est l’occasion de rappeler la difficulté à enregistrer une marque de couleur, y compris s’agissant des preuves à rapporter quant à l’acquisition de son caractère distinctif par l’usage (Trib. UE, 6e ch., 6 mars 2024, aff. T-652/22, Lidl Stiftung & Co. KG c/ EUIPO).

Malgré la possibilité théorique d’enregistrer une nuance de couleur à titre de marque, en pratique c’est plus compliqué, ainsi que l’illustre l’affaire portant sur l’enregistrement de la marque de couleur orange utilisée pour les champagnes Veuve Clicquot. Pour pouvoir déposer avec succès une marque de couleur, il faut qu’elle soit distinctive, soit dès le dépôt (peu fréquent) soit qu’elle ait acquis un caractère distinctif par l’usage (plus fréquent) et ce alors que la jurisprudence considère que « les consommateurs n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se basant sur leur couleur ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel » (CJUE, 6 mai 2003, Libertel, C-104/01).

En 1998, la maison de champagnes Veuve Clicquot a présenté une demande d’enregistrement d’une marque figurative de l’UE à l’EUIPO, pour la protection d’une certaine nuance de la couleur orange, pour la description « Vins de Champagne ». Après plusieurs refus, l’EUIPO a finalement enregistré la marque en 2007. Une demande en nullité de la marque pour défaut de distinctivité a ensuite été formée par la société Lidl. Cette demande a été rejetée par la chambre de recours dans une décision du 16 août 2022, la chambre estimant que ladite marque avait acquis, à la date de son dépôt en 1998, un caractère distinctif. Par arrêt du 6 mars 2024, le Tribunal de l’UE a annulé cette décision au motif de l’absence de preuve pertinente… en Grèce et au Portugal.

Le Tribunal rappelle que, bien que la marque litigieuse ait été enregistrée comme une marque figurative, elle doit être regardée comme étant une « marque de couleur ». La juridiction ajoute que selon une distinction classique, il existe une hiérarchie des preuves pour établir la distinctivité acquise par l’usage d’une marque; octroyant aux preuves dites «directes» (sondages, déclarations d’associations professionnelles), un poids plus important que celui accordé aux preuves dites « secondaires » (volume des ventes, des parts de marchés, des investissements promotionnels…). En effet, dans les États membres de l’UE où aucune preuve directe n’est produite, la production de preuves secondaires est insuffisante à caractériser la distinctivité acquise par l’usage de la marque. Par conséquent, le tribunal conclut qu’en retenant que la présence de preuves « secondaires » pour les États de la Grèce et du Portugal suppléait l’absence de preuves « directes » pour ces États membres, la chambre de recours a méconnu le principe de hiérarchie des preuves et a commis une erreur de droit.

Cependant, la marque n’est pas encore irréversiblement annulée, puisque l’affaire est renvoyée devant la chambre de recours, qui pourra à nouveau examiner si le caractère distinctif de la marque Orange a été acquis par l’usage, y compris en Grèce et au Portugal… La décision rappelle la difficulté à enregistrer une marque de couleur, y compris s’agissant des preuves à rapporter quant à l’acquisition par l’usage de son caractère distinctif.

Si toutes les marques sont égales, certains signes sont plus difficiles à faire enregistrer que d’autres.

Share this post: Facebook Twitter LinkedIn

DROIT VOISIN DES ÉDITEURS DE PRESSE & COMMUNICATION DE DONNÉES

Sorry, this entry is only available in Français.

La société Twitter/X a été condamnée à communiquer à certains éditeurs et agences de presse les données nécessaires au calcul de la rémunération leur revenant en application du nouveau droit voisin portant sur les publications de presse en ligne (Tribunal judiciaire, Paris, référé, 2 ordonnances, 23 mai 2024, n° 23/55581 et n°23/56102)

Par deux ordonnances du 23 mai 2024, le Tribunal judiciaire de Paris a enjoint à la société Twitter/X, à la demande de certains éditeurs de presse (Le Figaro, Le monde, Les Échos, Le Parisien, Télérama, Le Nouvel observateur, Courrier International, Malesherbes Publication et le Huffington Post –ord. RG 23/55581) et de l’AFP (ord. RG 23/56102), la communication de certains éléments nécessaires au calcul de la rémunération due aux éditeurs de presse et agence de presse en ligne en application du nouveau droit voisin qui leur a été reconnu par la loi n°2019-775 du 24 juillet 2019, ayant transposé en droit français aux articles L. 218-1 à L. 218-5 du Code de la propriété intellectuelle l’article 15 de la directive n°2019/790 du 17 avril 2019. Parmi ces éléments, figurent « le nombre d’impressions et le taux de clics sur impressions en France sur Twitter/X », « la part estimée des requêtes en lien avec les publications », « les revenus publicitaires générés en France par Twitter/X », « la liste des types de données collectées en France depuis le 24 octobre 2019 », ainsi qu’« une description du fonctionnement des algorithmes de Twitter/X ».

La décision est intéressante à plusieurs titres. Elle est d’abord utile pour les éditeurs et agences de presse en ligne, ainsi que, par ricochet, pour les auteurs-journalistes. Le nouveau droit voisin reconnu aux éditeurs et agence de presse sur leurs publications en ligne est en effet un droit à vocation essentiellement économique en ce qu’il vise à protéger les investissements des éditeurs et agences de presse à l’encontre d’agissements considérés comme parasitaires réalisés par les services de communication en ligne (tels que les agrégateurs d’informations et les services de veille médiatique) réutilisant les publications de presse des premiers et en détournant la valeur à leur profit. Les éditeurs et agence de presse doivent donc être en mesure d’apprécier l’assiette de calcul des redevances leur revenant en application de ce nouveau dispositif, étant rappelé que parmi les critères utilisés pour fixer le montant cette rémunération figure notamment « l’importance de l’utilisation des publications de presse par les services de communication au public en ligne ». Ces éléments de calcul devraient également, par ricochet, profiter aux auteurs-journalistes dès lors que ces derniers ont droit à « une part appropriée et équitable » de la somme versée aux éditeurs et agences de presse.

La décision est également intéressante car elle montre les difficultés liées à la mise en place du nouveau dispositif – ce qui est peu étonnant dès lors que l’on se souvient que l’article 15 intitulé « Protection des publications de presse en ce qui concerne les utilisations en ligne » a été l’une des dispositions les plus discutées de la directive du 17 avril 2019 et que les discussions ont failli emporter l’ensemble du texte. Les grandes plateformes sont réticentes à le mettre en œuvre et à assurer une transparence effective, préalable à un partage de la valeur efficient. Elle est enfin intéressante s’agissant de la portée de ce nouveau droit voisin eu égard au développement des systèmes d’intelligence artificielle et, par conséquent de la question de savoir s’il s’applique aussi aux seuls résultats générés par le système d’intelligence artificielle dans le cadre de prompts (output), ou également aux données dites d’entraînement (input).

Share this post: Facebook Twitter LinkedIn